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Hatshepsout
 

Alias : Hatchepsout, Hatshepsut, Hatschepsut, Hatchopisou, Hatasou.

GLRII, 237, III.

tête d'Hatshepsout, Musée du Caire
Musée du Caire

Hatshepsout est l'un des personnages les plus fascinants du début de la XVIIIe dynastie. Femme politique exceptionnelle, elle parvient à accéder pleinement au pouvoir suprême, traditionnellement réservé aux hommes.

Une femme au pouvoir


Thoutmosis I présente sa fille Hatshepsout, temple de Deir el-Bahari

Hatshepsout est la fille aînée du roi Thoutmosis I et de la reine Ahmès. Elle est née avant l'avènement au trône de son père. Dans le récit de sa jeunesse qu'elle a fait graver sur son temple de Deir el-Bahari, elle entend montrer que Thoutmosis I l'avait préparé très jeune au pouvoir (cf. E. Naville, « Trois inscriptions de la reine Hatshepsou », RT 18 et RT 19 - 1,7Mo, pdf).

Quoiqu'il en soit, c'est d'abord Thoutmosis II, fils de Thoutmosis I et de Moutnefret, qui devient roi à la mort de son père. Hatshepsout, probablement plus âgée que lui, est sa « grande épouse royale ». Elle semble déjà jouer un rôle particulièrement important. Elle porte le plus souvent le titre « d'épouse du dieu ». A la mort de Thoutmosis II, après 3 ou 13 ans de règne, le jeune Thoutmosis III, issu de son union avec Isis, une épouse secondaire, monte nominalement sur le trône, mais c'est Hatshepsout qui exerce le pouvoir.

D'après les textes de la Chapelle Rouge, elle aurait accédé à l'autorité en un an 2, sans précision de règne. Cette date pourrait faire référence à Thoutmosis I ou Thoutmosis II. Si c'était le cas, il ne faudrait pas prendre le texte littéralement, ou il conviendrait de le considérer comme de la propagande a posteriori. Il est peut-être plus vraisemblable d'attribuer cet an 2 au règne de Thoutmosis III.

En tous cas, elle prend tous les attributs de la royauté avant l'an 7, et est pourvue d'une titulature royale complète. Son nom de couronnement est Maâtkarê (« Maât est le ka de Rê »). Pour autant, elle n'usurpe pas le pouvoir du fils de Thoutmosis II, qui est mineur et continue à règner conjointement. Il s'agit donc d'une véritable corégence, même si Hatshepsout a clairement la prééminence politique.

Cette corégence est une innovation. Hatshepsout aurait pu se contenter d'être simple « régente » comme les reines Aahotep II (régente lors de la minorité du roi Ahmosis), et Ahmès-Néfertary (auprès de son fils le roi Amenhotep I), au début de la dynastie. Elle se fonde probablement sur ces proches antécédents, mais franchit une étape supplémentaire en prenant tous les attributs de la royauté, faisant ainsi coincider la pratique et la théorie de l'exercice du pouvoir.

Sur les murs de son temple à Deir el-Bahari, elle justifie a postériori sa prise de pouvoir par le mythe de la théogamie : le dieu Amon se serait uni avec sa mère Ahmès pour l'engendrer (Urk. IV, 215-234).

Hatshepsout figurée comme un homme, Chapelle RougeSes représentations la figurent souvent portant la barbe postiche et d'autres éléments typiques du costume masculin. Sur certains bas-reliefs, ses seins sont à peine visibles : il s'agit de montrer qu'elle est l'égale absolue des rois.

Expéditions

Deux campagnes militaires sont connues : l'une en Nubie, l'autre en Syro-Palestine.

En l'an 9, elle envoie le chef du Trésor Néhésy mener une expédition au pays de Pount. Les Egyptiens nouent des contacts pacifiques avec les Pountites, et rapportent de nombreux produits exotiques comme des arbres à encens (voir photo ci-dessous). Le succès de cette expédition lointaine est mis en image sur les murs du temple de Deir el-Bahari. C'est assurément l'un des évènements les plus marquants du règne.

L'expédition égyptienne rapporte un arbre à encens du pays de Pount

Constructions

Son activité constructrice est particulièrement dynamique. Sur sa grande inscription du Spéos Artémidos, elle affirme même avoir restauré des bâtiments antérieurs laissés à l'abandon par les Hyksos (Urk IV. 383-391).

A Karnak, ses monuments sont nombreux : le VIIIe pylône et les sanctuaires de barque entre Karnak et Louqsor, le sanctuaire dit « chapelle rouge » (palais de Maât), le hall entre le IV et le Ve pylône (placement de deux obélisques, voir la scène ci-dessous provenant de la chapelle rouge), deux autres obélisques à Karnak est, etc (sur ses obélisques, voir la présentation de Shoji Okamoto).

Hatshepsout présente deux obélisques à Amon, Chapelle Rouge


Deir el-Bahari

A Thèbes-Ouest, Deir el-Bahari, elle fait bâtir par son architecte Senmout, le chef du domaine d'Amon, un temple funéraire en terrasse à côté de celui de Montouhotep III. Elle construit également un petit temple d'Amon à Medinet Habou.

Près de Béni Hassan, elle fait creuser dans le roc le Spéos Artémidos. Eléphantine (temple de Satis), Bouhen, Kouma (temple de Khnoum, Ermant (temple de Montou), Wadi Mourghara gardent également encore des traces de ses constructions.

Succession

Stèle du Sérabit el-Khadim
Néférourê, divine épouse, éventée par Senmout. The Inscription of Sinai, I, pl. LVIII.

Hatshepsout apparaît dans les sources la dernière fois en l'an 20, l'année où Thoutmosis III est représenté comme son égal pour la première fois. Manéthon donne à Hatshepsout une durée de règne de 21 ans et de 9 mois.

Elle est succédée par son corégent Thoutmosis III. Celui-ci, à partir de l'an 42, fait subir à Hatshepsout une "damnatio memoriae" : il fait effacer son nom des monuments, peut-être pour se venger d'avoir été tenu à l'écart du pouvoir aussi longtemps (mais, dans ce cas-là, pourquoi a t-il attendu 20 ans?).

Les listes royales de la XIXe dynastie ne la mentionnent pas. Cependant, il est vraisemblable de penser, avec Joyce Tydesley, que cette omission est due au fait que les ramessides la considéraient comme une corégente, et non qu'ils entendaient la faire oublier. A la XXIe dynastie, son souvenir est encore vivace : la reine Henouttaouy et son mari le grand prêtre d'Amon Paynedjem I nomment leur fille Maâtkarê (le nom solaire d'Hatshepsout), et un de leur fils Menkheperrê (le nom solaire de Thoutmosis III). Cette Maâtkarê a un statut royal : elle est divine adoratrice d'Amon. C'est donc la preuve qu'Hatshepsout fascinait aussi les anciens égyptiens.

Il semblerait qu'Hatshepsout n'ait eu qu'une fille, Néférourê, dont Senmout était le tuteur.

Hatshepsout avait fait construire une première tombe quand elle n'était encore que grande épouse de Thoutmosis II. Devenue reine, elle fait creuser une seconde tombe pour être enterrée avec son père Thoutmosis I.

Bibliographie

Lexikon der Ägyptologie, 1045-1051.
Les Dossiers de l'Archéologie - Hatchepsout, femme pharaon, novembre 1993.
KMT - Hatshepsut Special: The Queen Who Was King, n°1, spring 1990.
Joyce A. Tyldesley, Hatshepsut: The Female Pharaoh, 1996.
Gay Robins,"The Names of Hatshepsut as King", JEA 85, 1999, p. 103-112.
Jean-Luc Chappaz,"Un cas particulier de corégence : Hatshepsout et Thoutmosis III", in Christian Cannuyer, Jean-Marie Kruchten (éd.), Individu, société et spiritualité dans l'Egypte pharaonique et copte (Mélanges offerts au professeur Aristide Théodoridès), Bruxelles, 1993, p. 87-110.
Jean Yoyotte, « La date supposée du couronnement d'Hatshepsout », Kêmi XVIII, 1968, p. 85-91.
Peter Der Manuelian, Christian E. Loeben, « New Light on the Recarved Sarcophagus of Hatshepsut and Thutmose I in the Museum of Fine Arts, Boston », JEA 79, 1993, p. 121-155.
William C. Hayes, « Varia from the Time of Hatshepsut », MDAIK 15, 1957, p. 78-90 et pl. X-XIII.
E. Naville, « Trois inscriptions de la reine Hatshepsou », RT 18 et RT 19 - 1,7Mo, pdf


Liens

Maat-ka-ra.de monographie scientifique (Karl H. Leser).
Is the mummy "Thutmose I" really Hatshepsut? article (Marianne Luban).
Hatshepsut, the queen who would be king vulgarisation (David Bediz).
The text of Hatshepsut's obelisk at Karnak en hiéroglyphes (AEL - Al Berens).
www.maatkare.com site de vulgarisation consacré entièrement à Hatshepsout. Attention, le contenu n'est pas toujours très rigoureux.
Le mystère de la naissance divine de la reine Hatschepsout (C. Smeesters). La traduction de Claire Lalouette et illustrations.
Tête d'Hatshepsout (Musée du Caire). Photographie.
La fascination de Pount (Dimitri Meeks). Communication présentée au colloque "Encounters with Ancient Egypt", UCL Institute of Archaeology on 16th-18th December 2000.

10/03/01- 26/08/04 Renaud de Spens (texte et mise en page), Florence Gombert (photos).