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Attention, cette leçon est plus ardue que la première. Recopier les trois phrases à la main sur du papier. A l'aide du vocabulaire ci-joint, tracer ensuite les séparations entre les mots. Enfin, indiquer à côté des signes phonétiques leur translittération. Puis, lire les explications et souligner le sujet des phrases.

Première étape : recopier le texte sur du papier
Deuxième étape : établir la translittération et déchiffrer grâce au vocabulaire ci-joint
MOTS SIGNES

Noms propres
(IaHms) Ahmès (ou Ahmose), litt. La lune l'a enfanté.
(IbAnA) Abana, nom féminin.

Substantifs
(Hry) supérieur.
(Xnyt) marins, matelots.

(sA) fils.
abbréviation de (
maAt xrw) juste de voix.
(rmT) gens, personnes, hommes.
(Hsiw) louanges.

Pronoms-suffixes
(.tn) vous, votre. Deuxième personne du pluriel.
(.i) je, moi, mon. Première personne du masculin singulier.
(.f) il, son. Troisième personne du singulier.

Verbe
(Dd) dire, raconter, parler.
(rdi) donner, faire en sorte que.
(rx) savoir, connaître.
(xprt) devenir, advenir (forme relative féminine).

Préposition
(n) en, dans, à.

Adjectif
(nb) chaque, tous (ici au féminin).

le son H+r (face).
le son r (une bouche).
déterminatif du ciel, de ce qui est en haut.
le son Xn , le sens de "ramer" (bras tenant une rame).
le son n (un filet d'eau).
le son i (fleur de roseau).
le son t (miche de pain).
1°/ la première personne du singulier masculin 2°/ déterminatif de l'homme.
le déterminatif du pluriel (trois traits).
la lune (iaH).
le son m+s (loquet).
le son s (pièce d'étoffe).
le sens fils (canard).
déterminatif qui donne une valeur idéographique au signe qui précède (un trait).
combiné avec , forme ici ce qu'on appelle de "l'écriture syllabique" pour transcrire un nom étranger (homme la main à la bouche). On transcrira le groupe i, mais la prononciation ressemblait peut-être à "e" ou "r".
le son b (un pied).
le son b+A (oiseau jabiru).
le son A (vautour).
abbréviation pour mAat, juste, vrai (socle de statue inversé).
abbréviation pour le son xrw, voix (rame).
le son D (serpent).
le son d (main).
le son f (vipère à cornes).
le son T (entrave).
le son n+b (corbeille).
le sens "donner" (une main tenant un pain conique).
le son x (placenta ou tamis).
déterminatif de l'abstrait (rouleau de papyrus).
le son H+s (vase haut).
le son x+p+r (scarabée).

Troisième étape : explications

I/ Eléments culturels

- noms et filiation

Les Egyptiens n'ont pas de nom de famille. Les prénoms sont souvent choisis pour faire honneur à un dieu, ou un roi. Ahmès, le dédicataire de l'inscription étudiée, a le même prénom que le premier roi de la XVIIIe dynastie (que l'on peut aussi retranscrire Ahmosis ou Ahmose). A son époque, il doit avoir de très nombreux homonymes. C'est pourquoi la mention de la filiation est si importante. L'usage de cette période est de fournir le nom de la mère (à d'autres périodes, c'est plutôt le nom du père qui est indiqué).

- titres et fonctions

Mais un autre élément est encore plus important : le titre. Le titre a pour vocation principale d'indiquer la position sociale de l'individu. Il est rare qu'il soit omis, du roi au simple paysan. Celui d'Ahmès est un mot composé : Hry signifie "celui qui est en haut" (noter le déterminatif du ciel), et Hnyt veut dire "matelots, marins" (il s'agit d'un terme grammaticalement au singulier mais au sens pluriel, que l'on pourrait aussi traduire par "le groupe des matelots", noter le signe représentant deux bras tenant une rame, qui possède à la fois une valeur idéographique et phonétique, et le déterminatif du pluriel).

Les titres sont souvent difficiles à traduire, car il n'y a que peu de correspondance entre les fonctions exercées en Egypte ancienne et celles de la société contemporaine. Ainsi, certains auteurs ont traduit le titre porté par Ahmès "amiral". Toutefois, le rang de notre marin a vraisemblablement été plus modeste que celui dont bénéficie un amiral aujourd'hui. Pourrait-on traduire "capitaine", alors? C'est une question de choix personnel. Néanmoins, il est peut-être plus sage de recommander une traduction proche du texte (car ainsi, les lecteurs qui s'y connaissent comprendront immédiatement quel est le terme égyptien employé), et c'est pourquoi je propose "supérieur des marins".

- les autobiographies

L'autobiographie est un genre fort commun de la littérature égyptienne. Il s'agit d'inscriptions, le plus souvent sur les murs du tombeau ou sur des statues, destinées à montrer les qualités du défunt et prolonger son souvenir dans la mémoire des hommes. Ce ne sont pas des introspections, elles ne font pas la place à l'expression du doute : elles ressemblent ainsi à nos épitaphes, en plus développées. Cependant, au delà des stéréotypes, elles peuvent être extrêmement informatives. Ainsi, l'autobiographie d'Ahmès fils d'Abana est l'une des sources les plus importantes pour l'histoire de la fin de la guerre contre les rois hyksôs.

- "juste de voix"

La formule "juste de voix" (maAt xrw, parfois traduite aussi "justifié(e)") fait référence à la justification du défunt devant le tribunal d'Osiris, qui lui permet de vivre dans l'au-delà. Sous la XVIIIe dynastie, on utilise cette formule pour indiquer que la personne nommée est décédée.

- le pluriel par répétition du signe

Au lieu d'utiliser les trois traits du déterminatif du pluriel, l'égyptien permet parfois de répliquer trois fois un signe pour mettre au pluriel le mot qu'il exprime.

 

II/ Analyse grammaticale

- première phrase


Hri Xnyt IaH-ms sA IbAnA mAat-xrw Dd.f
On peut la décomposer en trois éléments : le sujet, le verbe, le pronom qui rappelle le sujet.

Comme dans la plupart des autobiographies, on commence par donner le titre et le nom du dédicataire (le sujet grammatical), un peu comme on donnerait un titre, un label, à un texte.

Vient ensuite la forme verbale verbe+pronom suffixe de la troisième personne du singulier. Littéralement, on pourrait restituer deux phrases, la première sans verbe : "Le supérieur des marins, Ahmès, fils d'Abana, juste de voix. Il parle". Si l'on désire traduire dans un français plus naturel, il vaut mieux faire une seule phrase, dans laquelle le pronom est escamoté ("Le supérieur des marins, Ahmès, fils d'Abana, juste de voix, déclare :"). Si l'on veut tenter de rendre l'emphase perceptible dans le texte égyptien, on peut proposer : "C'est le supérieur des marins, Ahmès fils d'Abana, juste de voix, qui parle". Dans cette dernière traduction, la construction impersonnelle "c'est [+sujet] qui [+verbe]" est presque l'équivalente de la formule égyptienne avec pronom personnel "de rappel" du sujet.

N.B. Le verbe Dd peut se traduire, suivant les cas, par "dire", "parler", "déclarer", "raconter". Il marque souvent le passage au discours direct.

- deuxième phrase


Dd.i n.tn rmT nbt
Il s'agit d'une phrase verbale simple à trois éléments : verbe - sujet - complément d'objet.

Le sujet est pronominal (voir leçon 1), et le complément d'objet est indirect, introduit par la préposition n, "à". Le complément contient une apposition (pronom suffixe de la deuxième personne du pluriel, auquel est apposé un substantif et son adjectif). Littéralement, la traduction est : "je parle à vous, tous les hommes". Cependant, pour une meilleure traduction, il faut se pencher sur la phrase suivante, qui en égyptien est liée.

Cette phrase permet aussi de montrer l'utilisation de l'adjectif épithète. Celui-ci doit être placé directement après le nom qu'il qualifie. Il s'accorde avec lui en genre et en nombre, mais cette règle connaît quelques exceptions. Ainsi, dans notre phrase, le mot semble être au pluriel et l'adjectif au féminin. En fait, rmT a un sens pluriel, collectif (l'humanité), et c'est pour cela qu'il possède les trois traits du pluriel, mais est grammaticalement un singulier (c'est également le cas pour le terme Xnyt, "marins", cité plus haut). Dans ce cas-là, l'égyptien considère le mot comme grammaticalement féminin.

- troisième phrase


rdi.i rx.tn Hswt xprt n.i
C'est la plus complexe de la série puisqu'elle est composite. Une forme simple verbe - sujet - complément contient en son complément une deuxième phrase verbale verbe - sujet - complément, et ce dernier complément est une forme relative référent - verbe - sujet.

Reprenons lentement. Le premier modèle est du type "rdi+sujet+phrase". Le verbe rdi signifie "faire que" (anglais "let", allemand "lassen") lorsqu'il est suivi d'une phrase.

La deuxième forme est déjà connue : verbe, sujet, complément. C'est ce complément qui contient un nouveau type : une phrase relative elle-même composée d'un substantif ayant fonction de référent (Hswt), d'un verbe "adjectivé" au féminin (xprt), pourvu du suffixe de l'accompli (n), et du sujet (i).

Qu'est-ce qu'une phrase relative ? En fait, il s'agit d'un énoncé qui qualifie un nom, de la même manière qu'un adjectif. En français, il faut utiliser un pronom relatif comme "que" ou "qui". En égyptien, on se contente d'une simple apposition. Le verbe est transformé en adjectif. C'est pour cela qu'il possède un genre, féminin dans cet exemple.

En outre, le verbe xprt est ici suivi du suffixe "n". Ce suffixe indique que l'action est accomplie. Attention, l'égyptien n'a pas du tout le même système que les langues occidentales pour rendre la notion du temps. Les conjugaisons des langues latines et anglo-saxonnes s'attachent d'abord à positionner l'action dans le temps (passé, présent, futur), alors que l'égyptien s'intéresse surtout à l'aspect accompli ou en cours de l'action (dans sa logique interne, non dans une échelle absolue du temps) et à sa durée, le "temps" étant déterminé par le contexte. La traduction d'un texte égyptien suppose donc une adaptation.

Dernière difficulté de cette phrase : la traduction du verbe "xpr". Le sens premier est "devenir", mais son champ lexical est beaucoup plus riche. Il indique une transformation, un évènement, un changement d'état. Dans notre exemple, il est transitif (traduction littérale : "les louanges que j'ai devenus"). Il convient donc de trouver une formule impersonnelle en français. La traduction "les louanges qui me sont arrivés" reflète le sens, mais contient une faute de style. On est donc obligé de traduire quelque chose comme "les louanges qui m'ont été adressés" ou "les louanges que j'ai obtenus".

Enfin, il faut aussi comprendre que cette phrase est liée avec la précédente dont elle constitue la conséquence. En français, il est plus naturel de le souligner, et je propose la traduction suivante pour les deux phrases :

"Je m'adresse à vous, toute l'humanité, pour vous faire savoir les louanges que j'ai obtenus".

Bon courage dans votre apprentissage !

Si vous êtes intéressés à continuer les leçons, faites-le moi savoir.

Pour réviser la leçon 1 cliquer ici.

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