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Nouvelle session de cours d'épigraphie égyptienne en novembre 2013
Valeur phonétique de la lettre aleph

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De François
2008-04-14
 
Bonjour,

Dans le n° spécial sur Champollion de ‘Pour la Science’ (juin 2005, Revue Les Génies De La Science, numéro 23), dans un encadré sur les hiéroglyphe, Pascal Vernus indique que le hiéroglyphe du Percnoptère avait initialement une sonorité de type ‘L’ pendant l’Ancien Empire puis cette valeur serait passé à (‘A’ ou ‘3’): je cherche à connaître sur quoi cette assertion s’appuie et comment il a été établi cette valeur ‘L’ pendant l’Ancien Empire ?

Cordialement,

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De Henri Doranlo
2008-04-15
 
Bonjour,

Ne pas prendre le signe du vautour comme une lettre mais comme un son, plus précisément une "atttaque sonore". Le schéma des organes phonateurs (extrait de Laborderie, 1994) permet de visualiser le tableau phonétique joint. "r /l /A" ont le même mode d'articulation (liquide latérale). Initialement alvéolaire, le son "A" a reculé dans le fond du palais pour devenir uvulaire (le dos de la langue contre la luette, phonétiquement proche du "R"). Ces mutations phonétiques restent toutefois conjecturelles, par comparatisme avec les langues étrangères (textes en accadien).

Malaise-Winand font apparaître le "A" dans leur grammaire comme alvéolaire et uvulaire pour en montrer l'évolution, et expliquent le son "A" comme un "R grasseyé" phonétiquement (p. 21).

L'indistinction entre "r" et "l" est illustrée dans la Stèle d'Israël de Merenptah, dans la retranscription du nom "Israël" en égyptien.

Amicalement




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De Jean-Marc Beltzung
2008-04-15
 
Bonjour,

Cf. également les formes de certaines langues sémitiques qui ont *r (une liquide alvéolaire) où l'égyptien ancien a A (arabe /qarm/, ég. /qAm/ "vigne" etc.). Par ailleurs, de nombreuses formes égyptiennes dont la première consonne de la racine était un A aboutissent à des formes avec un glide palatale en copte. Une série de correspondances indiquent effectivement un "pattern" entre les consonnes coronales (r,l,y) et le signe du vautour. Par contre, les latérales uvulaires n'existant pas (selon l'API), il est préférable de noter cette consonne comme un trill uvulaire */R/.

Cordialement

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De Jacques Legendre
2008-04-15
 
Bonjour,

Tout a fait d'accord, et j'ai eu il y a déjà deux trois ans l'occasion de faire à mes amis juifs hébraïsants un petit cours de "diction" entre le "R" et le "L" dans "Israël" de la stèle de Merenptah. Expliquant entre autre que le "L" fût articulé séparé tardivement et symbolisé par le lion couché (dans Alexandre); pour ce faire j'avais pris exemple sur le R roulé de nos paysans de l'Orne ( pas que de l'Orne d'ailleurs!). Par contre je ne crois pas qu'il s'agisse d'indistinction mais plutôt d'un usage ou d'un code : en hébreu il y a quelques lettres dont la graphie est différente à la fin d'un mot (oth sofith) du début ou dans le corps du mot (m, n etc) , pourquoi cela n'en serait il pas de même en E du ME? d'où la différence entre le R et le R dans Israël écrit de même façon mais lu différemment ?

Pour le reste des prononciations spéciales, il faut être né natif (comme c'est joliment exprimé dans le Cotentin) pour expédier langues et glottes aux bons endroits de la bouche ou du gosier...........!

Autre question:

Je serai heureux si quelqu'un pouvait me dire ce que c'est que "grasseyé" avec exemples (!); depuis mes humanités j'ai demandé à ceux que savent, et je n'ai jamais eu de réponses intelligibles: je ne sais pas ce qu'est cette expression orale, il parait comme dit je ne sais plus quel auteur que c'est une rareté et une distinction ( je crois que c'est La Bruyère qui en parle dans ses caractères) Mais...

Merci d'avance,

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De Jean-Marc Beltzung
2008-04-16
 
Bonjour,

Pour le /R/ dit "grasseyé", le dos de la langue doit faire plusieurs battements à l'arrière du palais, d'où son classement parmi les consonnes dorsales (lieu d'articulation). Voici un lien vers la page de Peter Ladefoged où vous pouvez entendre tous les sons enregistrés par l'IPA (International Phonetic Alphabet) : http://www.phonetics.ucla.edu/course/chapter1/consonants2.html

En espérant que cela puisse vous aider...

Cordialement,

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De Henri Doranlo
2008-04-16
 
Bonjour,

- Jacques : Je serais heureux si quelqu'un pouvait me dire ce que c'est que "grasseyé"
Grasseyer, vient du mot "gras", c'est parler en prononcçant le "r" avec une prononciation gutturale, c'est à dire en faisant "vibrer" la luette
Voir par exemple ce site : http://monsu.desiderio.free.fr/curiosites/r-phono.html

- Jean-Marc : les latérales uvulaires n'existent pas
Effectivement je corrige mon erreur, il s'agit d'une liquide sonore vibrante. Merci pour la remarque

A bientôt

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De Hugues Perdriaux
2008-04-16
 
Bonjour,
Concenant le grasseyement, si vous avez fait un peu d'arabe, reportez vous à la prononciation de la lettre "'ayn": vous avez là une forme de grasseyement. Essayez avec 'ayn+ou, c'est encore plus parlant.

Si une gutturale semble être claquée au fond de la gorge, le grasseyement ressemble, lui, à un raclement. Mais sans doute aurez vous des explications plus linguistiquement correctes ici.

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De Jean-Marc Beltzung
2008-04-16
 
Bonjour,

Le 'ayn de l'arabe est effectivement une fricative pharyngale voisée (la paroi pharyngale est resserrée) et n'implique pas une articulation dorsale primaire. A l'instar de toutes les fricatives, la pharyngale voisée de l'arabe (ou des langues salish) et la liquide uvulaire (R) impliquent une libre circulation de l'air dans le conduit vocal. Dans les théories phonologiques basées sur les traits, ces consonnes sont spécifiées à l'aide du trait de manière [+continu]. La consonne [R] est réalisée avec des battements du dos de la langue sur la luette (uvula) alors que le 'ayn est produit par une légère constriction de la paroi pharyngale (ou épiglottale). Les deux consonnes impliquent une activité laryngale (vibration des cordes vocales, i.e. voisement).

Cordialement

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De Francois
2008-04-17
 
Et à propos des preuves de l’existence du ‘L’ à l’ancien empire et sur sa disparition après ?


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De Vincent Laisney
2008-04-17
 
Bonsoir,

Le "l" a toujours existé dans certains dialectes égyptiens, mais pas dans celui de la cour, qui était le seul à être écrit (un peu comme l'italien officiel et les dialectes).

Ce n'est qu'avec le néo-égyptien que l'on voit des graphies syllabiques pour rendre le "l" soit des mots étrangers (y:r-Z1): ir = El (dieu cananéen/ougaritique) ou même égyptiens, mais n'ayant pas fait partie du dialecte "officiel" du moyen égyptien: bnr = bl (en copte 'bol' ou 'bal') "en dehors".

Seulement en démotique, le "l" aura un signe unique et inéquivoque qui vient du billitéral "rw" (lion couché) AVEC un trait diacritique pour le distinguer du "r".

La preuve que le "l" a continué d'exister est que le "l" étymologique se retrouve le plus souvent en copte. P. ex.: sémitique: lisan, "langue", eg.: ns, copte "las".

Je doute pourtant que le "l" ait existé dans le dialecte officiel de l'ancien égyptien, car les signes unilittères indiquent tous les sons de façon quasi inéquivoque et aucun signe n'indique le "l". Les quelques ambiguïtés seront résolues en moyen-égyptien.

Les textes d'exécration de l'Ancien Empire emploient parfois le aleph égyptien pour le "r" sémite (il s'agissait peut-être d'un "r" grasseyé (français ou anglais) distinct du "r" roulé (italien) indiqué par le signe de la bouche) mais n'ont rien de fixe pour le "l".

Amicalement

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De Vincent Laisney
2008-04-23
 
Pour la phonétique il y a l'article de Osing dans le LÄ qui est toujours valable. Il y a aussi le livre de Carsten Peust, Egyptian phonology : an introduction to the phonology of a dead language,(Monographien zur ägyptischen Sprache ; 002) 1999. Mais Peust a voulu admettre les principes controversé de Rössler. Plusieurs auteurs se sont opposé à ces théories. Voir le premier tome de Takács, Gábor, Etymological dictionary of Egyptian, qui le réfute point à point. Takács s'appuie principalement sur l'étymologie et donc sur la prononciation de l'égyptien aux époques historiques. Pour les emprunts aux langues sémitiques au nouvel empire on a Hoch, Semitic Words in Egyptian Texts of the New Kingdom and Third Intermediate Period, 1994, et pour les emprunts inverses il y a Muchiki, Yoshiyuki, Egyptian proper names and loanwords in North-West Semitic, 1999.
Mais tout cela ne parle pas de l'ancien égyptien. Pour les faits que j'ai mentionné de "l" étymologiques s'étant maintenu en copte, ils sont connus et admis par tout le monde, voir les dictionnaire étymologiques du copte de Cerny, Vichyl et Westendorf:
Coptic etymological dictionary, 1976
Westendorf, Wolfhart, Koptisches Handwörterbuch, 1977
Vycichl, Werner, Dictionnaire étymologique de la langue copte, 1983

Pour les textes d'exsécration de l'ancien empire:
Sethe, K., 1928, Die Ächtung feindlicher Fürsten, Völker und Dinge auf altägyptischen Tongefässscherben des mittleren Reichen.
Mais cela a été repris et confirmé par les auteurs plus récents, en particulier Osing dans l'article cité plus haut, si mes souvenirs sont exacts.
Amicalement

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De Vincent Laisney
2008-04-23
 
Excusez-moi je viens de voir un faute de frappe importante dans mon dernier message: Au lieu de:
> Takács s'appuie principalement sur l'étymologie et donc sur la
> prononciation de l'égyptien aux époques historiques.
il faut lire:
"Takács s'appuie principalement sur l'étymologie et donc IL NE TIENT PAS COMPTE de la prononciation de l'égyptien aux époques historiques."
Excusez-moi encore

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De Henri Doranlo
2008-04-23
 
Outre les déjà nommés, on peut ajouter Loprieno, Ancient Egyptian, a linguistic introduction, chapitre 3 (p 28 et suiv.) pour une synthèse sur la question, et en particulier Reintges, Egyptian Root-and-Pattern Morphology, LingAeg 4, 1994, p 213-244 (dont le cas de l'Aleph, p 215 et suiv.)

Cordialement

 

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15/05/2008
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