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Nouvelle session de cours d'épigraphie égyptienne en novembre 2013
Coeur ib et coeur HAty

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De Stéphane Dochy
2005-10-18
 
Bonjour,

j'aimerais savoir s'il existe un consensus chez les égyptologues sur la
différence entre le coeur-ib et le coeur-haty, et s'il existe une définition
claire qui recueille l'assentiment de tous.

Assmann, dans son livre "Mort et Au-delà dans l'Egypte ancienne" donne une
définition que je trouve assez confuse. Mais surtout, il indique que c'est
le coeur-haty (et non ib comme le soutiennent d'autres sources) que l'on
retrouve sur la balance dans la scène de la pesée de l'âme.

Je voudrais connaître l'avis des membres du forum à ce sujet.

merci

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De Gérard Passera
2005-10-18
 
Bonjour,

Vous trouverez ici les commentaires de deux médecins :
http://www.erudit.org/revue/ms/2004/v20/n3/007860ar.html

Bien cordialement,

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De Aude Gros de Beler
2005-10-18
 
Bonjour,

Il y a une très belle explication dans Thierry Bardinet, Les papyrus
médicaux de l'Egypte pharaonique, Fayard, 1995.

Cordialement,

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De Vincent Laisney
2005-10-18
 
Bonsoir,

En fait il n'y pas de consensus. Plusieurs médecins égyptologue ont cherché et
soit ont conclu qu'il n'y a pas de différence, soit on trouvé chacun une
nuance différentes.
Par contre l'opinion courante des philologue (et la mienne aussi) est qu'il
n'y a pas de différence quand à l'objet désigné (le coeur), mais HAty est un
mot plus récent (une description "celui qui est devant") qui a remplacé le
terme ancien ib. En moyen égyptien on trouve surtout ib, en néo-égyptien ib
et HAty en quantité à peu près égale dans les textes littéraires (Aménémopé),
en démotique HAty (ib seulement dans quelque emploi archaiques ou
traditionnels) et en copte seulement HAty (= Hêt).

Bien à vous

Vincent
PIB Rome

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De Chris Gueuning
2005-10-19
 
Bonjour,

Voici ce que M.C. Betro en dit:
"Dans les textes de médecine,... le terme employé pour désigner le coeur est
en général HAty. En revanche, dans les textes liturgiques ou littéraires, on
emploie plus volontiers ib, qui renvoie à une réalité moins anatomique
qu'anthropologique. Néanmoins, à l'époque tardive, le premier supplantera
définitivement le second".
( dans "Hiéroglyphes. Les mystères de l'écriture". Flammarion.1995, p122)

Dans R.O. Faulkner:
"ib: heart (physical); seat of thoughts and emotions; mind, understanding,
intelligence; will, desire; mood
HAty: heart, thoughts"
("A concise dictionary of Middle Egyptian". Griffith Institute. 2002)

Il semble donc que ib soit plutôt utilisé pour les significations abstraites
et HAty pour l'organe anatomique mais qu'ils soient interchangeables dans
une certaine mesure.

A confirmer ou à infirmer...

Cordialement,

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De Vincent Laisney
2005-10-19
 
Bonjour,

Je pense en effet que les termes sont interchangeables et dépendent du choix
du "niveau de langue" utilisé. Cela explique que dans les textes religieux on
utilise le vieux mot ib et que dans les textes pratiques comme les traités
médicaux on préfère le mot de tous les jours.

Dans Aménémopé, on constate des versets en paralléle dont l'un a ib et l'autre
HAty. Il y a aussi des fois ou le même verset paraît plusieurs fois dans le
texte, une fois avec ib et l'autre avec HAty.
C'était donc pour l'auteur deux termes interchangeables et il utilisait l'un
ou l'autre pour varier son style.
Remarquons que dans Aménémopé le "coeur" HAty ou ib a toujours le sens figuré
de "siège des sentiments".

Voir aussi ma précédente contribution pour le remplacement dans le temps
(différents égyptiens) d'un terme par l'autre.

En français nous avons aussi les orthographes (clef et clé) et des mots
(souliers -> chaussures) qui se substituent petit à petit l'un à l'autre.

Cordialement

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De Emunoz
2005-10-19
 
La Thèse d'Isabel Toro Rueda en PDF t'aidera:
http://webdoc.sub.gwdg.de/diss/2004/toro_rueda/

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De Henri Doranlo
2005-10-19
 
Bonjour,

La distinction entre les deux notions de coeur est un vrai problème. Autant
l'exposé scientifique de Th. Bardinet (Les papyrus médicaux, déjà cité)
définit les choses en termes de médecine, autant l'ambiguité devient
évidente quand ces notions sont utilisées dans les textes. A ce qui a été
déjà dit, on peut ajouter :
D'abord une définition lexicale :

HAty : « le coeur en tant qu'organe », mais au pluriel HAtjw siginifie « les
pensées »

jb : « le coeur, l'esprit, la conscience » a développé un sens psychologique
très large : siège de la pensée, de l'intelligence, de la volonté et des
émotions, qui se révèle bien dans le titre « jb n nsw, confident du roi »

Exemple Ineni (Urk IV, 64, 4-7):

snD nTr=j m jb=j

Hry.t nt nb=j m Haty=j

nn sxm-jb Hsw nb=f

nn DA-r(A) Hs(w) n nTr=f

La crainte de mon dieu était dans mon coeur,

l'effroi de mon maître était dans mon coeur :

il n'y a pas d'effronté qui soit loué de son maître,

il n'y a pas de querelleur qui soit loué de son dieu.

Dans ce passage construit en chiasme, snD trouve son antithèse avec DA-r(A)
vis à vis du dieu, tandis que Hry.t trouve son antithèse avec sxm-jb vis à
vis du maître (le roi). Toutefois les notions sont permutables : la crainte
et l'effroi (ou crainte respectueuse) sont synonymes, tout comme l'effronté
et le querelleur (ou mieux : l'outrecuidant, pour reprendre une traduction
de Vernus, ALex 78.3757)

Dans l'expédition de Pount, Hatchepsout fait ce discours à ses courtisans :

Que je resplendisse toujours sur vos visages selon ce qu'à désiré mon père.
Maintenant, il est dans mon coeur (wnn m jb=j) de magnifier ce qu'il a créé
selon l'oracle de mon père (Urk IV, 349, 17-350, 1-3) ... Je veux faire en
sorte qu'on dise dans le futur « Combien ce qu'elle a fait est mangnifique
! ». A cause de l'efficience de mon esprit (n-aA.t-n mnx n=f jb) envers lui,
mon coeur (HAty grg Hr Sa.t.n=f) a été pourvu de tout ce qu'il a ordonné
(350, 8-11).

S. Ratié, La reine Hatchepsout, sources et problèmes, 1979, a été confrontée
au problème jb/Haty dans la traduction des textes relatifs au règne, cf. p
140-141, note 8 (le discours de la reine traduit ci-dessus), et p 180, à
propos du discours d'Hatchepsout au Speos-Artemidos : « mon coeur-conscience
(jb) de Dieu prenant soin du futur, mon coeur-charnel (Haty) de Roi
anticipant sur l'éternité » (traduction Ratier). En note 16, l'auteur
précise « Nous avons ici différencié le sens du coeur-jb et du coeur-HAty
quoique les deux mots soient déjà à cette époque souvent confondus » (suit
entre autre exemple l'extrait d'Ineni donné plus haut).

H. Goedicke, The Speos Artemidos Inscription of Hatshepsut and Related
Discoussions, Halgo, 2004, apporte une explication plus complexe : « my
divine heart was searching for the future, as the heart of the noble-person
(bit) had thought of eternity » (p 43). Dans son commentaire (p 9-10) l'auteur
pense que « divine heart (jb nTry) » est parallèlement juxtaposé à « HAty
bjty », cependant que la notion de « coeur divin » se réfèrerait au temps
présent résultant du couronnement de la reine tandis que la notion de «
coeur royal » se réfèrerait au passé antérieur à l'accession au trône, plus
précisément « the past center of thinking » (le modèle de pensée prévalant
traditionnellement). Ainsi les deux notions de coeur jb et Haty auraient été
utilisées distinctivement par Hatchepsout pour réfléchir sa double nature de
femme-humaine et de fils/fille du dieu Amon.

Comme quoi la réponse à la question posée n'est pas simple, ce qui n'exclut
pas une tendance naturelle dans le temps à (con)fondre les deux mots l'un
pour l'autre tel que déjà dit dans les contributions précédentes.


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De Henri Doranlo
2005-10-19
 
1) Merci pour l'info de la thèse d'Isabel Toro Rueda
2) J'ai oublié de préciser que le texte du Speos Artemidos donné comme
exemple dans mon précédent message se trouve dans Urk IV, 383-391


 

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22/10/2005
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