L'égyptologie
est une science qui est l'objet d'un nombre impressionant
de fantasmes. Cette page a pour vocation de combattre
les fausses rumeurs sur l'Egypte ancienne, dont le courrier
que nous recevons et une partie des médias se font
l'écho.
I/
L'Egypte n'est pas une civilisation en avance sur son temps
Ses
architectes ne sont pas tous exceptionnels. Beaucoup de
pyramides se sont effondrées sous leur propre poids.
Moins de cinq ans après leur construction, certains
temples de Ramsès II présentaient des ruines
graves dues à des défauts de conception.
La
construction des pyramides n'est ni vraiment un mystère
ni un tour de force physique. Il suffit de mettre des
milliers d'hommes qui poussent derrière des milliers
de blocs, et d'ajouter le savoir-faire honnête de
carriers et maîtres d'oeuvres. Le plus remarquable
de ces gigantesques constructions est sans doute plus
à trouver dans l'organisation logistique, économique
et sociale qu'elles impliquent.
Les
Egyptiens ne sont ni plus ni moins sages que les autres
peuples. Leurs oeuvres religieuses et littéraires
sont variées, mais on y trouve pas plus qu'ailleurs
de solution à la précarité de la
condition humaine.
II/
L'Egypte ancienne n'est pas une société esclavagiste
Au
cours de 4000 ans d'histoire, il y a eu des moments où
le peuple égyptien était plus ou moins libre,
où le régime pouvait se rapprocher du totalitarisme
(ainsi, peut-être, le règne d'Akhénaton)
ou au contraire satisfaire aux aspirations populaires,
mais il n'existe aucune trace d'un système esclavagiste
à la grecque ou à la romaine.
En premier
lieu, la femme est juridiquement l'égale de l'homme.
Elle dispose librement de sa personne (mariage, divorce).
Elle peut être propriétaire de biens, mobiliers
ou immobiliers, est libre de les aliéner.
En second
lieu, les étrangers semblent avoir eu une condition
bien plus enviable que celle des métèques
grecs. Des conventions internationales bilatérales
protègent leur personne et leurs biens. Les prisonniers
de guerre sont quant à eux astreint à la
déportation et au travail forcé. Cependant,
ils semblent disposer de la plupart des droits, notamment
en ce qui concerne le mariage avec les Egyptiens, la constitution
d'un patrimoine, etc. Enfin,
si un prolétariat de serviteurs « dépendants »
est identifiable dans les textes, dont les services s'achètent
de maître à maître, ce ne sont nullement
des esclaves, et ils restent des sujets de droit.
Par
ailleurs, sur le plan des droits de l'homme, et contrairement
à une croyance bien ancrée dans nos livres
scolaires, l'individu est théoriquement protégé
contre l'arbitraire. Ainsi, la peine de mort ne peut être
prononcée que par la juridiction suprême. Le
pharaon lui-même n'a pas droit de vie et de mort sur
ses sujets. Il est soumis à des règles strictes.
Les textes égyptiens témoignent de l'étendue
des moyens juridiques à la disposition des citoyens,
du recours hiérarchique contre l'administration aux
procès en appel.
III/
L'Exode et l'histoire de Moïse ne trouvent aucun écho
dans la documentation égyptienne
L'actualité
cinématographique remet périodiquement à
l'honneur la vieille histoire biblique de Moïse.
Celui-ci, comme Joseph, est un inconnu parfait des sources
égyptiennes. La narration de la Bible est invraisemblable.
Si un pharaon du Nouvel Empire s'était tué
en poursuivant une tribu rebelle, on l'aurait probablement
su. Idem pour les sept plaies d'Egypte, etc. Les Hébreux
ne sont jamais mentionnés dans les textes, à
part dans quelques listes de peuplades. Israël n'existe
en tant que puissance internationale qu'à partir
de David et Salomon.
Bien
d'autres fantasmes circulent sur l'Egypte. Concluons en
insistant sur les plus gros : aucun égyptologue
n'est mort dans des conditions surnaturelles ; les pyramides
n'ont pas été construites par des extraterrestres
et on ne conserve pas la viande dedans ; les Egyptiens
n'avaient pas prévu la mort de Louis XVI, l'Euro,
ni que j'écrirai cet article. C'est dommage, cela
aurait été plus drôle? C'est ainsi,
et cela nous laisse quand même le plus intéressant,
ce qui reste lorsqu'on a tout oublié : la culture
riche et originale de l'Egypte ancienne.
Renaud
de Spens.
Image
tirée de Fox, le club des momies. J. Dufaux
et J.-F. Charles, édition Glénat, 1996.
Pour
aborder l'Egypte sans trop de partis pris et comprendre
l'origine de ces phantasmes, on peut lire :
Edward
F. Said, Orientalism, Western Conceptions of the Orient,
Londres 1995 (traduit en français sous le titre
L'orientalisme).
Robert Solé, L'Egypte, une passion française,
Paris 1997.
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