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Dossier X. Image  tirée de la BD Fox, le club des momies. J. Dufaux et J.-F. Charles, édition Glénat, 1996.

L'égyptologie est une science qui est l'objet d'un nombre impressionant de fantasmes. Cette page a pour vocation de combattre les fausses rumeurs sur l'Egypte ancienne, dont le courrier que nous recevons et une partie des médias se font l'écho.

I/ L'Egypte n'est pas une civilisation en avance sur son temps

Ses architectes ne sont pas tous exceptionnels. Beaucoup de pyramides se sont effondrées sous leur propre poids. Moins de cinq ans après leur construction, certains temples de Ramsès II présentaient des ruines graves dues à des défauts de conception.

La construction des pyramides n'est ni vraiment un mystère ni un tour de force physique. Il suffit de mettre des milliers d'hommes qui poussent derrière des milliers de blocs, et d'ajouter le savoir-faire honnête de carriers et maîtres d'oeuvres. Le plus remarquable de ces gigantesques constructions est sans doute plus à trouver dans l'organisation logistique, économique et sociale qu'elles impliquent.

Les Egyptiens ne sont ni plus ni moins sages que les autres peuples. Leurs oeuvres religieuses et littéraires sont variées, mais on y trouve pas plus qu'ailleurs de solution à la précarité de la condition humaine.

II/ L'Egypte ancienne n'est pas une société esclavagiste

Au cours de 4000 ans d'histoire, il y a eu des moments où le peuple égyptien était plus ou moins libre, où le régime pouvait se rapprocher du totalitarisme (ainsi, peut-être, le règne d'Akhénaton) ou au contraire satisfaire aux aspirations populaires, mais il n'existe aucune trace d'un système esclavagiste à la grecque ou à la romaine.

En premier lieu, la femme est juridiquement l'égale de l'homme. Elle dispose librement de sa personne (mariage, divorce). Elle peut être propriétaire de biens, mobiliers ou immobiliers, est libre de les aliéner.

En second lieu, les étrangers semblent avoir eu une condition bien plus enviable que celle des métèques grecs. Des conventions internationales bilatérales protègent leur personne et leurs biens. Les prisonniers de guerre sont quant à eux astreint à la déportation et au travail forcé. Cependant, ils semblent disposer de la plupart des droits, notamment en ce qui concerne le mariage avec les Egyptiens, la constitution d'un patrimoine, etc.

Enfin, si un prolétariat de serviteurs « dépendants » est identifiable dans les textes, dont les services s'achètent de maître à maître, ce ne sont nullement des esclaves, et ils restent des sujets de droit.

Par ailleurs, sur le plan des droits de l'homme, et contrairement à une croyance bien ancrée dans nos livres scolaires, l'individu est théoriquement protégé contre l'arbitraire. Ainsi, la peine de mort ne peut être prononcée que par la juridiction suprême. Le pharaon lui-même n'a pas droit de vie et de mort sur ses sujets. Il est soumis à des règles strictes. Les textes égyptiens témoignent de l'étendue des moyens juridiques à la disposition des citoyens, du recours hiérarchique contre l'administration aux procès en appel.

III/ L'Exode et l'histoire de Moïse ne trouvent aucun écho dans la documentation égyptienne

L'actualité cinématographique remet périodiquement à l'honneur la vieille histoire biblique de Moïse. Celui-ci, comme Joseph, est un inconnu parfait des sources égyptiennes. La narration de la Bible est invraisemblable. Si un pharaon du Nouvel Empire s'était tué en poursuivant une tribu rebelle, on l'aurait probablement su. Idem pour les sept plaies d'Egypte, etc. Les Hébreux ne sont jamais mentionnés dans les textes, à part dans quelques listes de peuplades. Israël n'existe en tant que puissance internationale qu'à partir de David et Salomon.

Bien d'autres fantasmes circulent sur l'Egypte. Concluons en insistant sur les plus gros : aucun égyptologue n'est mort dans des conditions surnaturelles ; les pyramides n'ont pas été construites par des extraterrestres et on ne conserve pas la viande dedans ; les Egyptiens n'avaient pas prévu la mort de Louis XVI, l'Euro, ni que j'écrirai cet article. C'est dommage, cela aurait été plus drôle? C'est ainsi, et cela nous laisse quand même le plus intéressant, ce qui reste lorsqu'on a tout oublié : la culture riche et originale de l'Egypte ancienne.

Renaud de Spens.

Image tirée de Fox, le club des momies. J. Dufaux et J.-F. Charles, édition Glénat, 1996.

Pour aborder l'Egypte sans trop de partis pris et comprendre l'origine de ces phantasmes, on peut lire :

Edward F. Said, Orientalism, Western Conceptions of the Orient, Londres 1995 (traduit en français sous le titre L'orientalisme).
Robert Solé, L'Egypte, une passion française, Paris 1997.

13/10/02
© Renaud de Spens, 2000