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Nouvelle session de cours d'épigraphie égyptienne en novembre 2013
Fin de l'Egypte antique

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De Magalie Coponat
2004-06-14
 
Bonjour,

je me demande comment une grande civilisation comme l'Egypte Antique a pu
disparaître. Bien sûr, je sais qu'elle a été envahie par différents conquérants
qui ont essayé d'y imposer leur culture ; mais je me demande si la fin de
l'Egypte n'aurait pas été causée surtout par un changement de religion ?

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De Loic
2004-06-14
 
Bonsoir

En ce qui me concerne, je pense vraiment que la fin de ce vaste empire a
débuté lors de la défaite de l'égypte lors de la bataille navale d'Actium.
Ensuite tout c'est enchainé, avec la mort de Cléopatre et de Marc-Antoine,
et la mise en province de l'égypte par Auguste.

C'est ce que j'ai appris en cours, ma foi il y a peut-être d'autres raisons.

Cordialement

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De François Tonic
2004-06-14
 
Actium marque surtout un changement de régime, on passe d'un régime
"pharaonique" certes hellénisé mais reprenant beaucoup d'aspects
traditionnels et s'appuyant sur les clergés et temples, à un régime
romain. quand l'égypte rentre dans l'empire romain, la structure de
l'égypte va changer, surtout à la fin du Haut Empire romain. l'égypte
romaine voit une disparition progressive de la culture pharaonique /
traditionnelle, même si des brides existent ici et là. l'arrivée du
christianisme et la création de la religion copte changent entièrement
la donne. les empereurs romains chrétiens brisent les religions
paiennes dont celle d'égypte. or la religion était le seul bastion
encore vivace des traditions antiques. lorsque philae ferme durant le
VIe siècle, l'égypte a déjà perdu son caractère pharaonique depuis
longtemps. On est dans une province byzantine.

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De Renaud de Spens
2004-06-14
 
Grandes" ou "petites", toutes les civilisations sont mortelles, mais elle
ne disparaissent pas complètement non plus. De nombreuses coutumes
égyptiennes ont perduré jusqu'à aujourd'hui, comme des processions annuelles
de dieux, qui sont devenus des saints musulmans (le même phénomène existe en
Occident).

Il est toutefois clair que l'intolérance du christianisme, puis de l'islam,
qui sont des religions qui n'admettent pas de concurrence, a joué pour
détruire de nombreux aspects de la culture de l'Egypte ancienne (fermeture
des temples, destruction du sérapéum, mutilations des bas-reliefs).

Il semble aussi, comme l'a fait remarquer Loïc, que des facteurs politiques
ont joué. Déjà sous les Ptolémées, l'Egypte est devenue un grenier exploité
par une élite grecque très peu égyptisée. Les rois lagides n'ont épousé
aucunes égyptiennes et ne se sont pratiquement mariés qu'entre frères et
sœurs. S'il y avait eu un exemple de mariage mixte au sommet, il est
probable qu'ils se seraient plus fondus dans la population, comme les
Mongols puis les Mandchous en Chine. Mais au moins, l'Egypte restait
indépendante, avec des intérêts propres, et les Grecs, tout en méprisant
quelque peu l'indigène, admiraient quand même ses réalisations. Sous
Cléopâtre VII, l'influence de l'Egypte est à son comble à Rome. César, puis
Antoine, contribuent à alimenter cette mode. Cléopâtre défile en
manifestations grandioses. Mais le parti des Romains conservateurs et la
faction d'Octave voient dans cette influence une invasion étrangère menaçant
la civilisation romaine. Et lorsqu'Octave conquiert l'Egypte, il prend soin
de l'humilier pour contenter ses soutiens. L'Egypte, d'un centre rayonnant,
devient une périphérie tributaire.

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De Christian Menichelli
2004-06-15
 
Comme on le fait remarquer souvent dans ce forum, il faut prendre garde à mesurer ce que l'on écrit, ou tout au moins ce qui
risque de prêter à confusion, et dérive sur des amalgames regrettables :

dire : " L'arrivée du christianisme et la création de la religion copte changent entièrement la donne..." voudrait signifier que
l'arrivée du christianisme et la création de la religion egyptienne ( puisque copte = égyptien ) changent toutes les deux la
donne suivant l'expression journalistique employée.

Ceci est très réducteur, et mériterai un olus grand développement, aussi, puisque nous sommes à une semaine du CONGRES
INTERNATIONAL DE COPTOLOGIE à PARIS cette année, du 28 Juin au 3 juillet, ( toutes les infos sont sur le WEB ), je vous
invite à y faire un tour, et vous pourriez sans doute y puiser une toute autre argumentation, si du moins elle ne modifie pas le
fond, en grandira la forme d'expression, d'ailleurs, j'y serai présent, cela me ferait plaisir de vous rencontrer.

Bien cordialement.

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De Renaud de Spens
2004-06-18
 
Dans la "disparition" de l'Egypte antique (il serait plus juste de parler de
"transformation"), il y a peut-être un facteur moins connu du grand public,
auquel me fait penser la lecture récente d'un ouvrage sur l'administration
de l'Egypte byzantine : la fiscalité.

La pression fiscale est si élevée sous l'empire, que révoltes, fraudes et
fuites (anachorèse) sont courantes. Il existe dans de nombreux villages des
terres abandonnées, qui sont attribuées de force à des cultivateurs qui n'en
veulent pas, car leur rendement est plus faible que l'impôt, et fuient à
leur tour, ou se mettent sous la protection quasi féodale de "patrons",
grand propriétaires terriens dont la richesse et les milices permettent des
arrangements avec le fisc.

Au VIe siècle, ce facteur contribue à entretenir une relation de défiance
des Egyptiens envers Byzance, attisée par les querelles religieuses (les
Byzantins veulent imposer leurs vues aux Coptes). Résultat, on trouve dans
certains textes (déjà!) l'exaltation d'une "race" égyptienne pure, et le
copte supplante le grec : de plus en plus de fonctionnaires ne parlent plus
la langue impériale. Malgré un christianisme virulent et parfois déchiré en
factions violentes, des foyers de paganisme existent encore. Comme le montre
l'oeuvre d'Horapollon, les hiéroglyphes ne sont plus compris, mais certains
symboles de l'ancienne culture restent accessibles.

Pourtant, dès le Xe siècle, l'arabe a supplanté les autres langues en
Egypte, ce que le grec n'avait pas su faire en 9 siècles. Il semble que
l'invasion ait été souhaitée et bien acceptée par les Coptes, qui ont ainsi
pu bénéficier d'un régime fiscal plus juste. L'islam du début est un
mouvement "libérateur", ce qui explique pour une part l'adhésion des peuples
colonisés, et leur abandon/ adaptation de leur culture.

Il est intéressant de constater qu'un mouvement similaire se passe au début
des croisades. Les Francs imposent des taxes moins élevées que les anciennes
autorités féodales musulmanes, ce qui leur permet d'asseoir leur domination
dans la durée, tandis que les chroniqueurs arabes se lamentent des "mauvais
musulmans" qui fuient les terres d'islam pour aller s'établir sur les terres
francques, à la fiscalité plus légère.

 

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01/03/2005
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