THESES

Jean-François Carlotti a soutenu le 2 décembre 1998 à Paris IV une thèse portant sur :

Les modifications architecturales du temple d'Amon-Rê à Karnak, du Moyen Empire au règne d'Amenhotep III

Résumé (english summary below)

Les ruines du temple d’Amon-Rê à Karnak se présentent aujourd'hui comme un immense enchevêtrement de murs et de blocs. Les multiples modifications de la partie centrale du monument sont particulièrement complexes. Ce désordre est le résultat d'un démantèlement intensif qui eut lieu dès l'époque islamique par les chaufourniers qui dépecèrent les monuments en calcaire [1] , puis plus récemment, au XIXe siècle, l'installation de plusieurs salpêtrières à proximité du site fut fatale aux monuments en grès [2] . La lisibilité des lieux en fut très perturbée, malgré cela dès la fin du XIXe siècle les principaux monuments du temple d'Amon-Rê furent identifiés et attribués aux différents souverains. Cependant, à cette difficulté s'ajoutèrent les nombreux blocs des édifices primitifs de Karnak remployés dans les monuments actuels. La reconstitution de ces monuments fut entreprise dès les premières extractions de blocs de la cour de la cachette et du IIIe pylône. La première anastylose fut réalisée par H. Chevrier en 1936 : la Chapelle Blanche de Sésostris Ier. Ces différents monuments remployés appartiennent aux phases de construction primitives du temple et permettent donc sa restitution. Il y a une vingtaine d'années, G. Björkmann dressa l'inventaire de ces remplois et tenta d'élucider leurs justifications [3] .

Dès 1875, A. Mariette proposa les premières restitutions architecturales du temple correspondant aux sept principales époques de construction [4] . Cette étude fut reprise par L. Borchardt qui tenta une restitution du temple sous les règnes de Sésostris Ier Thoutmosis Ier et Hatchepsout-Thoutmosis III [5] . H. Chevrier préférera publier le plan de l'état actuel des ruines en couleurs, chaque couleur étant attribuée à un règne [6] . Ce plan a été ensuite amélioré par P. Barguet [7] et complété par J. Lauffray, J.-Cl. Golvin et J.-Cl. Goyon qui affinèrent les attributions [8] . Mais les tentatives de restitution chronologique du plan du temple sous différents règnes ne furent plus envisagées depuis la publication de L. Borchardt. En effet, les édifices primitifs démantelés et remployés dans les monuments plus récents sont longtemps restés une énigme, leur étude étant à peine ébauchée.

Depuis la création du Centre Franco-Égyptien d'Étude des Temples de Karnak en 1967, l'étude systématique des grandes séries de blocs issus du IIIe pylône, du IXe pylône ou de la cour de la cachette permirent de mieux connaître la configuration des monuments remployés. Ces études encore en cours touchent actuellement à leur fin, seuls la cour de Thoutmosis II et le grand château d’Amon de Sésostris Ier sont à ce jour publiés [9] . Les études concernant les monuments d'Amenhotep Ier [10] , les monuments de la régence d’Hatchepsout-Thoutmosis III [11] , les monuments d'Amenhotep II [12] , les monuments de Thoutmosis IV [13] et les monuments d'Amenhotep III [14] sont désormais suffisamment avancées à la fois pour permettre l'anastylose de certains d'entre eux [15] et pour les replacer dans le contexte général du temple à l'époque. C'est pourquoi aujourd'hui, il est possible de proposer une restitution du temple dAmon-Rê à Karnak règne par règne, voire campagne de construction par campagne de construction.

L'étude des modifications architecturales du temple d'Amon-Rê à Karnak comprend tous les monuments érigés à Karnak jusqu'au règne d'Amenhotep III inclus. C'est en effet, à partir de ce souverain que la structure du temple, telle qu'elle avait perduré depuis le règne de Sésostris Ier, sera remise en cause. L'axe sud a été nié tandis que la cour d'accueil du temple, élément majeur de la composition primitive, a été détruite par Amenhotep III. De plus, dès la fin du schisme amarnien, le temple proprement dit sera agrandi vers l'ouest, ce qui n'avait jamais eu lieu auparavant [16] . Les premiers ramessides créèrent alors la grande salle hypostyle que l'on connaît aujourd'hui. C'est donc à partir du règne d'Amenhotep III que l'on peut constater une première césure dans l'organisation spatiale du temple. C'est pourquoi, les modifications ultérieures ne seront pas prises en compte car elles poursuivent un objectif différent [17] de celles qui eurent lieu entre le Moyen Empire et le règne d'Amenhotep III.

Trois corpus composent la première partie de l'étude qui comprend l'inventaire des blocs et monuments remployés ou non identifié, une anthologie des textes qui mentionnent un ou plusieurs monuments [18] et enfin, la liste des entités architecturales actuelles [19] . Ces trois corpus constituent la base de données nécessaire aux restitutions et permettent d'appréhender le sujet à la fois à partir des monuments encore en place et à partir de ceux disparus que l'on connaît soit parce qu'ils ont été remployés, soit parce qu'ils sont mentionnés dans des textes [20] .

La seconde partie, regroupe un état de la question sur les monuments en place, une analyse architecturale de ces mêmes monuments et une synthèse. L'état de la question tente de faire le point sur les connaissances actuelles et les différentes hypothèses d'attribution chronologique des monuments. L'analyse architecturale prend en compte à la fois les techniques de construction, l'emploi des différents matériaux, et la décoration des monuments en place afin de tenter d'en tirer certains arguments logiques de construction et d'en dégager un ordre chronologique. Une étude métrologique du monument et formelle de ses axes et de ses orientations compléteront cette analyse. Cette dimension est rarement prise en compte dans le cadre d'études monumentales, mais elle permet d'identifier des éléments utiles aux hypothèses de restitution, même s'ils n'ont pas un caractère purement archéologique mais plutôt « urbanistique ». Enfin, la synthèse de l'ensemble des données recoupera les résultats des trois corpus et ceux de l'analyse architecturale. Les connaissances sur l'origine du temple d'Amon-Rê à Karnak seront à cette occasion précisées ci l'organisation d'une chronologie relative des monuments en plusieurs campagnes de construction s'étalant de la fin de la Première Période Intermédiaire jusqu'au règne d'Amenhotep III sera tentée.

Résumé en anglais

This thesis is a study on the architecturals modifications since Middle Kingdom to the reign of Amenhotep III in the temple of Amun-Ra at Karnak. It contains a survey of the monuments in place, the old monuments destroyed and reused in the actuals monuments and the monuments mentionned in some texts, and also an architectural and morphological analysis of the space of the temple.



[1] M. Pillet, « Le roi <Séouadjenrê Nébiriaou> », BIFAO 30, 1930, p. 696; J.-Cl. Golvin, Cl. Traunecker, Karnak, résurrection d'un site, Paris, 1984, p. 34; J. Jacquet, Le trésor de Thoutmosis 1er, Karnak-Nord 5, FIFAO 30, 1983, p. 18-19; id., Le trésor de Thoutmosis 1er, Karnak-Nord 7, FIFAO 36, 1994, p. 30.

[2] G. Daressy, « Une représentation de cavalier égyptien » ASAE 6, 1905, p. 97; G. Legrain, Les temples de Karnak, Bruxelles, 1929, p. 63, n. 2; P. Barguet, Temple, p. 19, n. 4; J.-Cl. Golvin, Cl. Traunecker, ibidem, p. 34. Le salpêtre entre dans la composition de la poudre à canon. On l'extrayait à partir du grès concassé qui était immergé dans des bassins à forte concentration de nitrates.

[3] G. Björkmann, Kings at Karnak, A study of the Treatment of the Monuments of Royal Predecessors in the Early New Kingdom, Uppsala, 1971.

[4] A. Mariette, Karnak, pl. 6.

[5] L. Borchardt, Baugeschichte, fig. 1, 5, 7, 14, 15, 19.

[6] H. Chevrier, « Plan d'ensemble de Karnak », ASAE 36, 1936, p. 77-87.

[7] P. Barguet, Temple, plan à la fin de l'ouvrage; et dans Les Pharaons, l'Empire des Conquérants, coll. L'Univers des Formes, Paris, 1979, p. 304.

[8] J. Lauffray, Karnak d'Égypte, Domaine du divin, Paris, 1979, p. 45-63; J.-Cl. Golvin, J.-Cl. Goyon, Les bâtisseurs de Karnak, Paris, 1987, p. 14.

[9] L. Gabolde, « La "cour de fêtes" de Thoutmosis II à Karnak », Karnak 9, 1993, p. 1-100; id., « grand château d’Amon » de Sésostris Ier à Karnak, MAIBL 17, sous presse.

[10] C. Graindorge, Les monuments d'Amenhotep Ier à Karnak, à paraître.

[11] L. Gabolde, Les monuments de la régence d'Hatchepsout-Thoutmosis III à Karnak, à paraître voir également: id., Le règne de Thoutmosis II (et celui de ses successeurs immédiats jusqu'à la fin de régence d’Hatchepsout), Thèse de doctorat, inédite, Université de Lyon II, 1987.

[12] Ch. C. Van Siclen, The Edifice of Amenhotep II between the IXth and Xth pylon at Karnak, à paraître et sur la chapelle du roi remployée au temple de Khonsou : F. Laroche-Traunecker, « Les restaurations transformations d'époque gréco-romaine du temple de Khonsou à Karnak », à paraître. id., The Temple Khonsu III, Architecture et archéologie, OIP, Chicago, à paraître.

[13] B. Letellier F. Larché, La cour à péristyle de Thoutmosis IV à Karnak, à paraître.

[14] Étude en cours confiée à S. Bickel-Zignani.

[15] Voir à ce sujet les anastyloses en cours de réalisation de la cour à péristyle de Thoutmosis IV et de Chapelle Rouge par F. Larché, et celle programmée des monuments d'Amenhotep Ier.; cf. N. Grimal F. Larché, « les travaux de Karnak 1995-1998 », Karnak 11, à paraître.

[16] Il s'agit du temple d'Amon-Rê et non pas de son domaine qui fut - lui - élargi dès la corégence d'Hatchepsout-Thoutmosis III, mais cet agrandissement ne transforma pas la structure du temple en pierre.

[17] Elles n'ont plus pour objet le respect de la structure primitive et sa pérennisation en pierre mais plutôt l'agrandissement du temple.

[18] Seule la traduction des textes est donnée, il conviendra de se reporter si nécessaire au texte original que l'on pourra consulter soit dans : Urk. IV, soit dans : K. Kitchen, Ramessides Inscriptions.

[19] Il s'agit de l'ensemble des structures architecturales individualisées du temple d’Amon-Rê.

[20] Chr. Wallet-Lebrun a soutenu une thèse exemplaire sur le sujet, cf. id., Recueil de textes relatifs aux travaux de construction exécutés dans les temples de Karnak, Mémoire de l'École Pratique des Hautes Études, Ve section, Paris, 1976, l'auteur prépare actuellement sa publication.

20/04/01

© Renaud de Spens, 2000