| MARC 
                          ETIENNE   Conservateur 
                          au département des Antiquités Égyptiennes 
                          du Musée du Louvre, professeur d’archéologie 
                          égyptienne à l’École du Louvre, 
                          Marc Étienne a participé au projet du 
                          Cédérom « 1156 av. J.-C. Égypte, 
                          l’énigme de la tombe ».
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                        Comment vous est venue la vocation de l'égyptologie 
                        ?  L'Egypte 
                        représentait, avec le Précolombien et le 
                        Japon, une source d'intérêt partagée 
                        avec d'autres. Néanmoins, j'ai une formation scientifique 
                        à la base. Après deux ans de classe préparatoire 
                        scientifique, je me suis inscrit dans une filière 
                        de physique à l'université. J'étudiais 
                        alors les spectres lumineux. C'est dans ce cadre que je 
                        fis un stage au laboratoire des Musées de France 
                        qui m'amena à étudier, entre autres, des 
                        bronzes égyptiens.
 En 1982, l'exposition « naissance de l'écriture » 
                        fut un tournant dans ma vie. Je choisis dès lors 
                        de devenir égyptologue. Je suis d'abord entré 
                        à l'Ecole du Louvre où j'ai suivi les cours 
                        de premier et deuxième cycle, en parallèle 
                        avec ceux de l'EPHE. Par équivalence, je me suis 
                        inscrit à la faculté de Paris IV-Sorbonne 
                        où j'ai soutenu ma thèse. Durant mon DEA, 
                        j'ai passé l'examen de conférencier des 
                        Musées Nationaux. Ceci me permit d'avoir une activité 
                        rémunérée. En 1991, j'ai obtenu le 
                        concours de conservateur dans la spécialité 
                        archéologie.
 
 A la sortie de l'Ecole du Patrimoine, je fus nommé 
                        à la DRAC d'Orléans où je restai 
                        deux ans. Comme des passerelles existent entre les différentes 
                        filières du corps des conservateurs, j'ai ensuite 
                        été nommé conservateur au Département 
                        des Antiquités Egyptiennes du Musée du Louvre.
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                        Quels conseils donneriez-vous aux étudiants en 
                        égyptologie ? Faire 
                        un double cursus, de préférence dans deux 
                        filières différentes. Les photographes et 
                        les dessinateurs font, par exemple, cruellement défaut 
                        dans le domaine de l'égyptologie. Bien évidement, 
                        il faut suivre une voie ayant rapport avec l'égyptologie 
                        et la mener jusqu’au doctorat. Aujourd'hui on ne peut 
                        plus faire l'économie de quelques années 
                        consacrées à une autre occupation que l'égyptologie. 
                        Ce temps peut être le moment de rencontrer des gens, 
                        d'approfondir un domaine mal connu ou de passer des concours.
 Les postes dans la fonction publique sont ouverts dès 
                        la Licence, et proposent des opportunités 
                        intéressantes. Le privé, à condition 
                        de partir à l’étranger, offre des postes 
                        dans le marché de l’art, les fondations, musées 
                        et écoles privés. Pour ces derniers, le 
                        diplôme de l'école du Louvre représente 
                        un gros atout.
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                        Quelles sont les orientations actuelles de vos recherches 
                        ? Je 
                        poursuis mes recherches personnelles sur Abydos et 
                        le huitième nome de Haute-Egypte dont je pense 
                        bientôt réaliser une publication. Pour le 
                        Musée du Louvre, j'étudie un lot de papyrus 
                        acquis récemment et des étiquettes de 
                        jarres provenant du Ramesseum. Je travaille en collaboration 
                        avec Y. Koenig sur la publication du catalogue des ostraca 
                        conservés au musée. Dans le cadre de la 
                        mission archéologique du Louvre à Saqqarah, 
                        je dirige les fouilles des dépendances du couvent 
                        copte de Saint Jérémie. Récemment, 
                        il m'a été confié l'étude 
                        des marques des blocs de parement du mastaba d'Akhethetep 
                        et de fragments d'un papyrus de l'Ancien-Empire. - 
                        Quelle est la spécificité de l'Ecole du 
                        Louvre ? Elle 
                        réside dans l'éducation du regard et 
                        l'apprentissage de critères stylistiques maniables. 
                        La projection d'une diapositive ne remplace jamais l'œuvre 
                        en elle-même. Les cours devant les objets dans les 
                        musées amènent à mieux appréhender 
                        le volume d'une œuvre. L'enseignement de cette école 
                        permet ainsi de constituer un éventail d'outils 
                        d'identification et de datation de matériel, bien 
                        pratique en contexte de fouilles. En revanche, rien ne 
                        remplace l'expérience de terrain. J'engage les 
                        élèves à partir se former sur les 
                        chantiers.  - 
                          Comment avez-vous participé à « L'énigme 
                          de la tombe » ?
 Ce 
                        fut un concours de circonstances. Au départ, Carole 
                        Couturier, une ancienne collègue des Musées 
                        Nationaux, proposa à la Réunions des Musées 
                        Nationaux (RMN) une réalisation sur l'Egypte et 
                        particulièrement sur les coutumes funéraires. 
                        La RMN avait déjà réalisé 
                        « Versailles » sur le concept d'un 
                        cédérom ludo-culturel. Le même concept 
                        a été utilisé pour ce second projet, 
                        conciliant jeu et restitution du lieu et de son contexte, 
                        sous le contrôle d'un conservateur. Comme je connaissais 
                        l'auteur du projet, elle me proposa le travail. C'était 
                        ma première expérience dans le domaine du 
                        multimédia.. - 
                        Quel fut votre rôle dans cette réalisation 
                        ? Si 
                        le « label » officiel était 
                        directeur scientifique, mon intervention fut plutôt 
                        tentaculaire. Elle ne se borna pas à une simple 
                        approbation du projet. Par rapport au lieu, j'ai indiqué 
                        les limites des restitutions. Ceci m'était simplifié 
                        par le fait que je m'occupais de la documentation. J'ai 
                        travaillé en étroite collaboration avec 
                        les graphistes quant au choix des textures, aux questions 
                        de lumière. Je suis de même intervenu dans 
                        le scénario et les dialogues. Il est des incohérences 
                        qui ne sauraient exister comme parler de Thèbes 
                        alors que les égyptiens n'utilisaient pas ce terme. - 
                        Comment se déroulèrent les opérations 
                        ? Il 
                        faut bien se rendre compte qu'au départ il s'agit 
                        d'un investissement auquel participèrent CRYO, 
                        Canal + et la RMN. Aussi, le cahier des charges amena-t-il 
                        tout le lot de fantasmes liés à l'Egypte 
                        considérant que sans trésor et pyramide, 
                        il est impossible de vendre.
 Le premier contact fut donc houleux. J'ai refusé 
                        de cautionner un projet avec des thèmes imposés. 
                        Bien évidement, il fallait que le produit soit 
                        commercial aussi avons-nous tous fait des concessions. 
                        De plus, c'est un travail d'équipe qui, s'il nécessite 
                        une rigueur scientifique, doit laisser tout le monde prendre 
                        du plaisir à ce qu'il réalise.
 
 Ce fut une très bonne expérience car il 
                        s'agissait d'être crédible tout en respectant 
                        les règles du jeu : limites techniques, respect 
                        du travail d'équipe, respect du budget et limites 
                        de temps. Les liens hypertextes illustrent par exemple 
                        le problème de la technique. Ces liens sont produits 
                        par le concepteur et ne répondent pas forcément 
                        à la logique de l'utilisateur. Au contraire, dans 
                        ce cédérom, nous nous sommes servis de cette 
                        entrave. Pour nous simplifier et répondre à 
                        la logique égyptienne, nous avons suivi les liens 
                        que suggèrent les textes égyptiens eux-mêmes. 
                        Ceci a le mérite de rester logique et de surprendre 
                        l'utilisateur.
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                        Ce cédérom peut-il servir de source documentaire 
                        ? Ce 
                        n'est pas son but premier. Cependant, il constitue une 
                        bonne base documentaire de départ. Néanmoins, 
                        il ne faut pas oublier qu'il inclut des limites du fait 
                        de celles de la machine et du coût proposé .- 
                        Ce genre de réalisation offre t-il un nouveau débouché 
                        ?  Non, 
                        je ne le pense pas car ces réalisations restent 
                        ponctuelles. En revanche, elles offrent à l'égyptologue 
                        une source supplémentaire de support de l'information, 
                        de possibilité de travail. Elles ne constituent 
                        pas une fin en soi. L'informatique et le réseau 
                        sont des supports que se doit de connaître tout 
                        étudiant en égyptologie aujourd'hui même 
                        s'il doit faire très attention. Nombre d'idioties 
                        sont disponibles à profusion dans ce domaine porteur, 
                        ce qui nécessite un sérieux encore plus 
                        poussé des concepteurs.
 Entretien réalisé par Jean-Olivier Gransard-Desmond 
                          et Yann Tristan au Musée du Louvre, le mercredi 
                          6 mars 1998.
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