TROISIEME PERIODE INTERMEDIAIRE

Renaud de Spens, « Droit international et commerce au début de la XXIe dynastie. Analyse juridique du rapport d'Ounamon »[1], extrait de Le commerce en Egypte ancienne, éd. par N. Grimal et B. Menu (BdE 121), Le Caire 1998, p. 105-126.

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I/ Le cadre institutionnel
A/ L’administration égyptienne

B/ Les relations entre l’Egypte et ses voisins

II/ Modalités juridiques d’une ambassade commerciale

A/ Régime des personnes et des biens
B/ Nature de l’opération

§ 1. Parmi les sources de l’antiquité, le papyrus égyptien dit « rapport d’Ounamon » constitue un témoignage exceptionnellement riche sur son époque, le XIe siècle avant notre ère. « Il n’y a pas de document comparable du monde précédant Hérodote » écrivait W. F. Albright2. Linguistes et historiens l’ont déjà minutieusement étudié[3]. C’est sur les fondements de leurs travaux que je vais en proposer une analyse juridique[4]. Le rapport se présente comme un document administratif. Il est connu par un seul papyrus, qui ne constitue que la copie partielle de l’œuvre originelle. Il est daté d’un an V, très vraisemblablement à attribuer à l’ère que les anciens Egyptiens appellent la « Répétition des Naissances », entre la XXe et la XXIe dynastie[5]. Il décrit une expédition conduite par un certain Ounamon. Chargé d’aller chercher du bois à Byblos, afin de reconstruire la grande barque fluviale d’Amon, il part de Haute-Egypte, passe d’abord à Tanis, la nouvelle capitale de Basse-Egypte, et de là est envoyé sur un navire vers Byblos. Au cours d’une étape dans le port de Dor, Ounamon se fait dérober une partie des biens qu’on lui avait confié par un des hommes de l’équipage. Arrivé enfin à Byblos, et au milieu de maintes péripéties, il engage des négociations commerciales qui se concluent par une vente. Reparti avec son chargement, une tempête le jette sur les rivages d’Alsa (Chypre[6]). Le texte s’interrompt au moment où Ounamon traite avec les autorités d’Alsa afin d’éviter d’être victime du droit de naufrage.L’essentiel des informations du texte porte donc sur la pratique du commerce international. Cela permet de reconstituer non seulement son cadre institutionnel, mais aussi ses instruments juridiques.

I/ Le cadre institutionnel

Les institutions égyptiennes sont présentées allusivement, tandis que les relations avec l’étranger sont décrites de façon relativement plus détaillée.

A/ L’administration egyptienne

1°/ Le dieu, le grand prêtre et le dignitaire

§ 2. Ounamon occupe un rang élevé de l’administration du domaine d’Amon. Il porte le titre de “ doyen du portique ” ( , smsm hAy = smsw hAyt) du domaine d’Amon. Les fonctions d’un smsw hAit ne sont pas bien connues[7]. Un passage de la biographie du vizir Rekhmirê nous founit cependant une information :


Norman de G. Davies, The tomb of Rekh-mi-re, New York 1943, pl.
XI, 5-6. (=Urk. IV, 1073, 3-6)
Quand j’atteignis la porte du palais, les courtisans courbèrent le dos. Je trouvai le doyen du portique pour m’ouvrir le chemin...


Le doyen du portique joue pour Rekhmirê un rôle d’huissier. Cette attribution a peut-être un lien beaucoup plus direct qu’il ne semble avec l’expédition d’Ounamon. Dans les Attributions du Vizir, les huissiers sont les messagers wpwtyw :


Norman de G. Davies, The tomb of Rekh-mi-re, New York 1943, pl.
XXVI, 4[8].
Concernant tout ce qui entre et qui sort de la zone de la Résidence : à l’entrée et à la sortie, c’est un messager (du vizir) qui fait entrer et sortir.

Or, c’est en tant que “ messager d’Amon ” (, wpwty n Imn) qu’Ounamon accomplit sa mission[9]. Le titre smsw hAit indique donc peut-être une dignité au sein de la catégorie des wpwptyw. Dans cette hypothèse, le doyen du portique pourrait être le messager à qui échoit l’honneur d’introduire les personnages importants. Les wpwtyw, hors leur rôle mineur d’appariteur, sont spécifiquement utilisés comme courriers. Toutefois Ounamon, comme tous les autres wpwtyw de haut rang, ne fait pas que porter des lettres, mais doit aussi négocier une transaction. Il est donc véritablement un ambassadeur extraordinaire du domaine d’Amon.

§3. Son supérieur direct est le grand prêtre d’Amon Hérihor : 

 
LES, 69, 9-10 (2,25-26)[10].Oui, lui, Amon-Rê roi des dieux, a parlé à Hérihor mon maître, qui m'a envoyé en mission.

Le rôle administratif et politique du pontife de Thèbes a toujours été considérable. Il se trouve à la tête du vaste domaine d’Amon et de ses richesses[11]. Cependant, depuis la fin de la guerre civile des années 17-19 de Ramsès XI, son pouvoir a encore crût. Au moment de l’expédition d’Ounamon, 5-7 ans plus tard, Hérihor, tout autant que grand prêtre, est notamment aussi grand chef des troupes (, imy-r mSa wr), chef de la Ville et vizir (, imy-r Niwt, TAty) et vice-roi de Koush (, sA nsw n KAS)[12]. Il reste théoriquement soumis à deux autorités : le roi et le dieu. Pour des raisons qui demeurent obscures, Ramsès XI semble se tenir très en retrait de la vie politique après la guerre civile, ce qui accroît d’autant l’autonomie pratique du domaine d’Amon. Pourtant, Hérihor ne peut se passer de l’administration de Basse-Egypte. Il doit requérir sa médiation pour avoir accès au commerce méditerranéen.

2°/ L'administration de Tanis

§ 4. Lorsque Ounamon arrive à Tanis où se trouvent Smendès et Tentamon, il leur présente les lettres d’Amon (, wxA). Elles constituent l'instrument diplomatique indispensable pour montrer que la mission est d’intérêt public et ainsi susciter leur coopération :


LES
61, 5-7 (1,4-6). Je leur ai donné les lettres d’Amon-Rê roi des dieux. Ils les ont fait lire devant eux. Ils ont dit : “ Nous ferons ce qu’a dit Amon-Rê roi des dieux, ce maître des Deux-Terres! ”

Smendès et Tentamon font ce que dit Amon, non ce que dit le grand prêtre. Ils reconnaissent donc la légitimité de la mission d'Ounamon, sans pour autant se placer sous l'autorité de Hérihor.

§ 5. Au contraire, Ounamon, ayant quitté le domaine d'Amon, dépend désormais de l’administration tanite :


LES
61, 8-9 (1,6-7). Smendès et Tentamon m’ont envoyé en mission avec le capitaine de navire-menesh Mengebet.

Lorsque Ounamon est à Byblos, il reste sous leur responsabilité et perçoit une gratification de leur part :

 
LES
71, 5-6 (2,41-2). Elle (Tentamon) m'a fait apporter : 5 pièces de lin de Haute-Egypte ; 5 voiles de qualité supérieure de Haute-Egypte ; 1 sac de lentilles ; 5 couffes de poissons.

Ainsi, sans perdre son statut administratif de messager d’Amon, Ounamon est mandaté par l'Egypte entière en raison de l’intérêt public de sa mission[13]. Ounamon l'explique au prince de Dor en parlant de ses possessions volées :


LES
62, 6-9 (1,14-6). Et cet argent, il appartient à Amon-Rê roi des dieux, le maître des Deux-Terres, il appartient à Smendès, il appartient à Hérihor, mon maître, et aux autres grands de l’Egypte.

Smendès est cité en premier après le dieu. Avec Tentamon, il est primus inter pares des autres grands personnages de l'Egypte, directement responsable de la mise en œuvre de la mission. Quand Ounamon a besoin d'argent et de marchandises, c'est naturellement vers Tanis qu'il se tourne :


LES
70, 9-11 (2,34-36). Fais moi venir ton scribe (dit-il au prince de Byblos), que je l’envoie à Smendès et Tentamon, ces snntyw-tA (fondateurs de terre, organisateurs, officiers, offrandes?) placés par Amon au Nord de son pays. Ce sont eux qui (te) feront apporter tout ce qui est nécessaire.

En réponse, Ounamon obtient effectivement de Tanis le paiement convenu[14].

§ 6. Où est le roi? Le rapport n’y fait allusion qu’à une ou deux reprises, dans des contextes obscurs. Il ne joue en tous cas aucun rôle dans l’accomplissement de la mission d’Ounamon. Quelles sont les compétences de Smendès et de Tentamon? On attribue parfois à Smendès la charge de vizir de Basse-Egypte, alors que les sources sont muettes[15]. Le titre étrange de snntyw-t3 semble indiquer des fonctions exceptionnelles et transitoires. Cela convient très bien au caractère particulier de l’ère de la “ Répétition des Naissances ”, charnière entre la 20e et la 21e dynastie. Quoique Ramsès XI soit toujours vivant et régnant nominalement, Smendès et Tentamon seraient sans doute, en accord et en association avec Hérihor et les autres grands de l’Egypte, les régents de l’institution pharaonique[16].

B/ Les relations entre l'Egypte et ses voisins

1°/ Les relations commerciales internationales

§ 7. Le papyrus d’Ounamon donne également des détails précieux sur le volume et les moyens du commerce international en Méditerranée orientale. Ounamon voyage sur un navire menesh[17]. Ce type de navire apparaît dans les sources à partir de la XIXe dynastie. Par le grand papyrus Harris, on sait qu’il y en a deux types, l’un est conçu pour la navigation nilotique, l’autre pour les transports marins. Ramsès III se vante d’en avoir construit une flotte :


Harris I,
7,8[18]. J’ai fait pour toi des navires kerer, menesh et ber, avec des troupes équipées, pour la mer. J’y ai placé des chefs de troupes et des capitaines de navire-menesh, pourvus de nombreux équipages, afin de rapporter les biens du pays de Djahi et des contrées des confins de la terre vers tes grands trésors de Thèbes-la-Victorieuse.

Les inscriptions hiéroglyphiques monumentales nous en fournissent les seules représentation figurées connues :


(tiré de : Charles Kuentz. La bataille de Qadesh. Les textes (“ poème de Pentaour ” et “ bulletin de Qadesh ”) et les bas-reliefs. MIFAO 55. Le Caire 1928, pl. VI)

Leurs capitaines, les Hryw-mnS[19], sont souvent des étrangers[20], et cela laisse à penser qu’il ont parfois des liens contractuels avec l’Etat égyptien, comme plus tard les nauclères des sources grecques[21]. Cette hypothèse est confortée par le rapport d’Ounamon.Ounamon, étant thébain, ne connaît que le commerce nilotique. Il ne peut donc imaginer qu’un navire et un équipage au service de Smendès puissent être considérés comme étrangers. Le prince de Byblos lui démontre le contraire, et par là même indique le nombre de vaisseaux en relation avec Tanis :

 
LES
67, 4-8 (1,58-2,2).N'y a t-il pas 20 navires-menesh ici, dans mon port, qui sont en association commerciale avec Smendès? Sidon est un autre endroit par lequel tu es passé. N'y a t-il pas là 50 autres bateaux qui sont en association commerciale avec Ouarkatil, qui ont navigué pour son domaine?

Certains chercheurs ont supposé que ce Ouarkatil était une sorte d’armateur étranger au service de Smendès[22]. De toute évidence c’est un de ses agents.L’association commerciale “ xubur ” est la qualification du lien juridique entre les Hryw mnS et les autorités. Ce terme sémitique a pour sens originel “ ami ”, “ confédéré ”[23]. Dans notre contexte, il s’agit donc à la fois d’une “ association ” de personnes, et de leurs relations d’affaire. Il sous-entend vraisemblablement un véritable statut commercial, une institution commune au Proche-Orient ancien définie par des règles coutumières internationalement respectées.On peut en outre déceler dans le texte la trace de “ sociétés de marins ”, plus ou moins informelles, fondées sur l’appartenance nationale. Ce n’est pas moins de onze navires Sakal[24] qui vont faire le blocus de Byblos pour empêcher Ounamon de repartir, estimant que celui-ci a commis du tort envers l’un d’eux.

§ 8. L'influence de l'Egypte est clairement marquée à Dor et à Byblos. Leurs princes et leurs officiers parlent manifestement égyptien[25]. Un échanson de la cour de Byblos porte un nom égyptien, Penamon. C’est aussi une pratique courante en Egypte d’employer des échansons étrangers[26]. La présence égyptienne à Byblos est encore révélée par la chanteuse Tentnout, envoyée par le prince pour consoler Ounamon, lorsque les Sakal veulent l’appréhender.Enfin, à Alsa aussi, Ounamon trouve un indigène qui sait parler égyptien[27].

2°/ L'organisation des cités méditerranéennes

§ 9. Le rapport ne fait pas que témoigner des liens entre l’Egypte et la Méditerranée. Il décrit également les administrations étrangères. Dor, Byblos et Alsa sont plus ou moins précisément traitées suivant leur intérêt pour Ounamon.

1. Dor.

L'escale à Dor est courte. Cependant, le papyrus nous apprend que la ville est dirigée par un prince indigène (, wr[28]), et que celui-ci a notamment pour compétence directe la justice et la police. Après avoir été volé, Ounamon s'en va le trouver pour déposer sa plainte :

 
LES
62, 4-6 (1,13-4).J'ai été volé dans ton port. Tu es le prince indigène de ce pays. Tu es son juge. Cherche mon argent!

Il semble donc qu’il n’y a pas de justice déléguée à Dor. La plainte d’Ounamon est un modèle de raisonnement juridique : le fait générateur (vol dans le port de Dor) entraîne la compétence du prince (puisqu’il est le juge de son pays), et l’oblige à engager des investigations.

2. Byblos.

La cité dans laquelle Ounamon reste près d’un an est la plus décrite. Elle apparaît bien plus importante que Dor. Alors qu'à Dor Ounamon entrait directement en contact avec son prince, à Byblos il passe d'abord par l'intermédiaire du chef du port (, imy-r mr). Ounamon reste dans le port pendant un mois avant d’avoir une audience. Il dresse une tente au bord de la mer pour y mettre la statue d’Amon et ses biens. Le port “ mr ” semble donc être le seul lieu librement accessible par les étrangers, comme plus tard l’emporion grec. De plus, Jacques Pirenne a cru déceler dans le récit la trace de l’existence du concept d’eaux territoriales[29]. Il fonde son hypothèse sur le fait qu’Ounamon n’est pas attaqué par les Sakal à sa sortie du port de Byblos. L’issue du port ne marquerait donc pas la limite géographique de la souveraineté de Byblos. Cet argument n’emporte pas forcément conviction. On peut trouver une autre explication au départ sans encombre d’Ounamon en se fondant sur un parallèle postérieur de Strabon[30]. Selon cet auteur, nul était autorisé à s’embarquer d’Alexandrie sans avoir obtenu un prostagma royal[31]. Il se pourrait ainsi que le prince de Byblos retienne les Sakal dans son port pour permettre à Ounamon de prendre de l’avance sur ses ennemis. Si c’était le cas le sens d’un passage du texte deviendrait plus clair :


LES
74, 15-16 (2,74).Il (le prince) m’envoya là vers le port de la mer.

Cette phrase serait ainsi l’expression de l’autorisation de quitter le port, accordée par le prince à Ounamon[32].Le prince, Sakarbaal, est entouré d'une cour comprenant échanson (, wbA[33]), scribe (, sS[34]), scribe des lettres (, sS Saw[35] peut-être identique au précédant), chanteuse (, Hsi[36]). Il peut envoyer son scribe en mission d’wpwty ([37], comme Ounamon). Dans son entourage vivent aussi des extatiques (, aDdw aAw[38]). Le rapport témoigne également de l'existence d'une assemblée ou d’un conseil (, mwaD[39]) investi d’un rôle juridictionnel. Lorsque les Sakal veulent empêcher Ounamon de repartir de Byblos, ils présentent leur requête devant cette assemblée. Elle est présidée par le prince, et se réunit le matin :

 
LES
74, 9-11 (2,70-1).Au matin, il réunit son conseil. Il se tint en son milieu et dit aux Sakal : “ Que signifient vos démarches? ”

3. Alsa.

Le pays d’Alsa possède une cité gouvernée par une princesse. Il est intéressant de constater qu’alors qu’à Dor et à Byblos, le souverain est qualifié de “ prince du pays ”, wr n pAy tA, il est ici “ princesse de la cité ” (, wrt n pA dmi). Cependant, il est possible que les deux formulations soient synonymes, car le terme dmi, originellement “ ville ”, “ cité ”, signifie au sens large “ lieu ”, “ endroit ”. Alsa apparaît ne plus avoir beaucoup de relations d’affaires avec l’étranger. L’accueil initial qu’y reçoit Ounamon tranche avec l’image du pays commercial, allié privilégié de l’Egypte, qu’en donnent les tablettes d’Amarna un peu plus de trois siècles plus tôt.[40]

II/ Modalités juridiques d’une ambassade commerciale

Autant les parties et les choses régies par le droit que les obligations qui les lient peuvent être analysées grâce aux informations du texte.

A/ Régime des personnes et des biens

1°/ Les personnes

En premier lieu, le récit d’Ounamon fournit des renseignements sur le statut de l’étranger et celui du fonctionnaire en mission.

§ 10. Statut de l’étranger. Ounamon arrive avec son équipage de Byblos par accident à Alsa. L’accueil y est ouvertement hostile, puisque les indigènes veulent le tuer[41]. C’est un point à rajouter à l’histoire du tristement célèbre droit de naufrage, dit également droit d’épave. Ce “ droit ” est en fait un véritable piratage passif, qui a pour objet les navires arrivant accidentellement sur une côte étrangère[42]. Mais Ounamon réussit à trouver la princesse de la cité et implore sa protection en vertu des principes fondamentaux d’une norme internatioanle supérieure, le droit des gens[43] :


LES
75, 6-9 (2,78-9).Aussi loin que Thèbes, la ville d’Amon, j’avais entendu dire qu’alors que l’injustice était commise dans toutes les cités, la justice régnait au pays d’Alsa. Or l’injustice est-elle aussi commise ici chaque jour?

La princesse demande à Ounamon des explications. Celui-ci raconte que la tempête l’a jeté vers Alsa. Il est donc sous-entendu que même si les lois d’Alsa interdisent l’accès de son territoire aux étrangers, elles ne peuvent s’appliquer en raison de la force majeure. C’est l’exception dite “ de la fortune de la mer ” que l’on retrouve dans les sources classiques[44]. Subsidiairement, au cas où la princesse d’Alsa ne voudrait pas reconnaître l’applicabilité de ce principe universel qui nie le droit de naufrage, Ounamon menace Alsa de rétorsions, de la part de l’Egypte et de Byblos :


LES
75, 12-16 (2,81-3). Prends garde, on me recherchera sans cesse! Et quant à cet équipage du prince de Byblos qu’ils veulent tuer, si son maître trouve dix de tes équipages, ne les tuera t-il pas lui aussi?

Dès cette époque, l’Etat, en protégeant ses ressortissants, contribue donc à la formation consensuelle du droit international. Dans ce passage, la rhétorique d’Ounamon est exactement celle d’un juriste : énoncé du principe légal suivi de celui de la sanction en cas de non-respect.Dans les autres ports visités par Ounamon, Dor et Byblos, les rapports internationaux sont bien plus policés qu’à Alsa. Lorsque Ounamon fait l’objet d’une expulsion de la part des autorités de Byblos, il reste en liberté. Le chef du port lui intime chaque jour l’ordre de vider les lieux, mais il n’exerce pas de moyen coercitif et doit attendre qu’Ounamon trouve un navire en partance pour l’Egypte.Ounamon, du reste, est plus qu’un étranger. Il prétend au statut d’ambassadeur.

§ 11. Statut de l’ambassadeur. Ounamon rappelle constamment à ses hôtes qu’il est le messager d’Amon. En effet, il a du mal à se faire reconnaître comme tel.

1. Reconnaissance du statut. Dans la grande et cosmopolite cité de Byblos, les autorités sont fières et scrupuleuses. Ounamon, tout ressortissant d’une grande puissance qu’il soit, apprend à ses dépends qu’il doit aussi respecter les usages internationaux en matière d’ambassade. Le prince est furieux qu’Ounamon ne lui présente pas d’attestation :

 
LES
66, 9-10 (1,51-2). Où est la lettre d’Amon qui devrait être dans tes mains? Où est le message du grand prêtre d’Amon qui devrait être dans tes mains?

Ounamon lui explique qu’il les a donnés à Smendès et à Tentamon. Le prince insiste :


LES
66, 12-14 (1,53-5).Mais pourquoi n’as tu pas les documents? Où est le navire pour transporter le bois que t’avait affecté Smendès? Où est son équipage syrien?

On comprend que tous ces éléments soient importants pour pouvoir prétendre au statut d’ambassadeur.Plus précisément, la lettre d’Amon, on l’a vu, doit authentifier le caractère d’utilité publique de l’opération. Quant au message du grand prêtre, il présente sans doute Ounamon, comme des lettres de créance[45].Or Ounamon est dépourvu de tout cet appareil. Il a donné la lettre et le message à Smendès et Tentamon pour pouvoir bénéficier de la coopération de l’administration de Basse-Egypte. Ces documents n’étaient d’ailleurs peut-être pas indispensables en soi. Le caractère officiel de la mission était aussi marqué par le navire-menesh et les cadeaux[46] qu’il apportait. Mais Ounamon s’est fait dérober les présents à Dor. Et arrivé à Byblos, on ne trouve plus trace du navire, pour des raisons qui restent obscures. C’est seulement un mois après l’arrivée d’Ounamon que Sakarbaal consent, avec réticence, à lui reconnaître son statut.

2. Un statut exceptionnel. En tant qu’ambassadeur, Ounamon fait l’objet d’un soin particulier de la part des autorités des cités où il séjourne :

 
LES 61, 12-3 (1,9-10).Bador, son prince indigène (de Dor), me fit apporter : 50 tranches de pain ; une cruche de vin ; un morceau de bœuf.

A Byblos aussi, lorsque Ounamon désespère le prince lui envoie vin, viande et agréable compagnie.Le statut d’ambassadeur est naturellement indispensable pour mener les négociations avec Byblos. Il confère en outre à son détenteur l’immunité judiciaire, ainsi que l’explique le prince de Byblos aux Sakal qui lui demandent d’arrêter Ounamon :


LES
74, 13-14 (2,73). Je ne peux pas arrêter le messager d’Amon sur mon territoire.

Cette immunité diplomatique n’est pas absolue : un passage du papyrus indique que les ambassadeurs peuvent être emprisonnés en cas de désaccord entre les deux Etats, ce qui est déjà attesté par la correspondance d’Amarna[47].

2°/ Protection des biens

§ 12. Comme la personne, les biens sont soumis à un régime juridique bien défini. Les objets précieux qu’emporte Ounamon pour donner en cadeau à ses hôtes sont, on l’a vu, propriété de l’Etat égyptien. A Dor, Ounamon se les fait voler par un de ses matelots. Le messager d’Amon va porter plainte auprès du prince. Celui-ci s’estime incompétent :


LES
62, 12-16 (1,17-20). Mais je ne peux pas recevoir ta plainte[48]. Si le voleur était ressortissant de mon pays, monté à bord de ton navire pour voler ton argent, je te compenserais sur mes propres fonds jusqu’à ce qu’on réussisse à appréhender le criminel.

Ainsi énonce t-il le principe d’une responsabilité solidaire sans faute (i. e. on peut être contraint de répondre des actes de ses associés ou de ses compatriotes). On retrouve aussi cette pratique dans les sources proche-orientales antérieures (code de Hammourapi[49], droit ougaritique[50], correspondance d’Amarna) et le droit grec postérieur. Pourtant, comme le voleur fait partie de l’équipage d’Ounamon, le prince de Dor ne s’estime pas tenu de compenser le préjudice. Les investigations policières ne donnent rien, et Ounamon doit repartir. Parvenu à Byblos, l’envoyé d’Amon répare une partie de son préjudice en saisissant les biens qu’il trouve dans un navire (qui est soit le sien, soit à des compatriotes du prince de Dor - le texte est en lacune à cet endroit). Cet acte est sans doute juridiquement fondé sur le même principe de responsabilité solidaire. Il s’apparente au droit de saisie (en grec : sûlon) des sources classiques[51]. Il n’en constitue pas moins une grave erreur psychologique puisqu’il est vraisemblablement utilisé à l’encontre des Sakal qui refusent d’en reconnaître le bien-fondé et forment une expédition punitive pour appréhender Ounamon. La constitution d’un droit international passe parfois par des rapports de force.

B/ Nature de l’opération

1°/ Qualification juridique

§ 13. En second lieu, il s’agit de savoir comment qualifier l’opération d’Ounamon. Est-ce un véritable achat? Plusieurs commentateurs du papyrus, notamment H. Goedicke et G. Bunnens, ont insisté sur la faible valeur des biens qu’Ounamon transporte avec lui[52]. Pour G. Bunnens, les relations commerciales entre Etats à cette période se feraient sous la forme de dons et de contre-dons[53]. Du point de vue de la sociologie juridique, la notion même de don est douteuse. Si le contre-don est nécessaire pour maintenir des relations entre Etats, alors le don n’existe pas réellement, il n’est qu’une provision versée à charge de compensation[54]. C’est pourquoi Mario Liverani critique la vision traditionnelle qui voudrait qu’il n’y ait pas eu de relations vraiment commerciales entre les Etats du Proche-Orient. Pour cet auteur, l’exemple d’Ounamon, à n’en pas douter une vente, ne constitue pas un cas isolé que l’on pourrait se contenter d’expliquer par le déclin de l’impérialisme égyptien[55]. Il cite notamment une inscription funéraire d’un chef du Trésor de Thoutmosis III qui démontre que déjà à cette époque l’Egypte achète du bois à Byblos[56].La lecture du texte d’Ounamon montre clairement que les parties ne se désintéressent absolument pas de l’aspect marchand de la transaction. Le prince de Byblos tente de faire monter le prix de sa prestation en évoquant les précédents “ dons ” égyptiens consignés sur ses registres. Ounamon, lui, insiste sur le caractère d’utilité publique de l’opération, pour encourager son interlocuteur à se satisfaire des contreparties purement spirituelles offertes par Amon. Cette partie du dialogue est donc une véritable négociation commerciale. Plus, elle instruit le lecteur égyptien de la rhétorique à employer pour faire baisser les prix dans les transactions publiques du domaine d’Amon[57].Subsidiairement, il faut remarquer que la compensation en elle-même n’est pas nécessairement calculée sur la valeur strictement marchande des biens. Ce qui importe, c’est le consensualisme, non la référence aux prix du marché. En outre, dans le cas qui nous occupe, il s’agit de relations commerciales publiques, portant sur des produits qui ne circulent peut-être pas tous sur les marchés privés. Aux yeux des cocontractants, la valeur de ces biens pourrait être autant fondée sur leur prestige que sur leur coût de production réel.

2°/ Reconstitution du contrat

§ 14. Pour résumer, l’accord conclu entre Byblos et l’Egypte est donc un contrat de vente.

1. Objet et contreparties du contrat. Pour le prince de Byblos, il comporte l’obligation d’abattre et de livrer le bois nécessaire à la construction de la barque d’Amon. Pour l’Egypte, il impose la livraison d’un certain nombre de biens prestigieux :


LES
71, 1-5 (2,40-42). Apporter : en or, 4 gobelets et 1 récipient-kakmen ; en argent, 5 gobelets ; 10 pièces de lin royal ; 10 voiles de qualité supérieure de Haute Egypte ; 500 papyrus (ou nattes de lin?) de la meilleure qualité ; 500 peaux de bœuf ; 500 cordes ; 20 sacs de lentilles ; 30 couffes de poisson.

Enfin, Amon, le principal intéressé, joue aussi un rôle dans la mesure où le prince, s’il est pieux, peut s’attendre à mériter sa reconnaissance.2. Modalités du contrat. On peut diviser l’opération en trois phases :

I- La recherche du consentement à contracter.Présentation de la capacité du messager à négocier et offrande de cadeaux destinés à amorcer les négociations.

II- La conclusion du contrat.Négociations. En cas d’accord, exécution d’une partie de l’obligation du vendeur comme témoignage de son consentement et donc de la conclusion du contrat[58]. On retrouve l’importance de la preuve du consentement déjà mise en évidence par B. Menu[59] pour les contrats de vente égyptiens. A ce stade, le contrat est réputé conclu. Ses obligations découlent donc uniquement de l’expression de la volonté des parties, comme aujourd’hui, et non de la remise de la chose, comme dans la Grèce ancienne[60].

III- L’exécution.Réception du paiement du demandeur. Satisfaction du vendeur. Consécutivement, exécution complète des obligations du vendeur, c’est-à-dire jusqu’à livraison du reste des biens demandés. Contrairement à la pratique de la plupart des contrats de vente de droit interne en Egypte[61], les prestations du vendeur ne se réalisent qu’après le paiement du prix, en raison des contraintes d’éloignement des échanges internationaux.

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§ 15. A quoi servait le rapport d’Ounamon pour les Anciens? A vrai dire, le débat fait toujours rage parmi les Modernes. Deux écoles s’affrontent. La première ne veut voir dans le récit qu’une composition littéraire fictive[62]. La seconde le considère comme un document purement administratif[63]. Il existe également un compromis, selon lequel il s’agit d’une version enjolivée d’un véritable rapport[64]. Ces hypothèses disposent chacune d’arguments solides, et aucun élément objectif ne permet de trancher en toute sûreté. Néanmoins, on peut encore formuler deux nouvelles remarques.En premier lieu, ce qu’on appelle les tournures littéraires du texte, notamment le style très vif de certains dialogues, n’empêchent absolument pas le document de pouvoir constituer un rapport administratif. Les documents destinés à l’administration sont parfois brillants. Encore aujourd’hui, on peut lire des dépêches diplomatiques qui ne suivent en rien un style impersonnel et sec[65].En second lieu, il faut rappeller que le rapport d’Ounamon a été trouvé avec une version de “ l’onomasticon d’Amenope ”, une liste encyclopédique des divisions de l’univers et de l’Etat[66]. L’auteur de ce catalogue était scribe des livres sacrés de la maison de vie. Or les maisons de vie remplissaient entre autres la fonction d’écoles. On ne peut s’empêcher d’y songer lorsqu’on fait la somme des cas de droit présentés par le récit d’Ounamon :- La procédure à suivre pour avoir accès au commerce méditerranéen.- Le louage de service des capitaines de navire-menesh étrangers- Les associations commerciales- Le principe de responsabilité solidaire en cas de vol- Le droit de saisie- La procédure judiciaire de Dor et de Byblos- “ L’emporion ” de Byblos- L’immunité diplomatique- Les étapes de la conclusion d’un contrat de droit international public- Le droit de naufrage d’Alsa- Le droit des gens...Cette liste est exemplaire. Il s’y trouve pratiquement toutes les règles pouvant s’appliquer au déroulement d’une ambassade commerciale. On a l’impression que le rapport a été recopié en raison de sa valeur didactique. Ainsi pourrait d’ailleurs s’expliquer l’étonnante précision des dialogues, notamment ceux qui énoncent des règles de droit. L’histoire du droit n’a pas conservé de manuel d’apprentissage plus ancien que celui de Gaius[67]. Mais, même si dans la haute antiquité le droit n’est pas toujours distingué de ses finalités pratiques, même s’il n’est pas théorisé par des jurisconsultes, il faut bien que les fonctionnaires l’apprennent. Ainsi, l’on peut considérer à bien des égards le rapport d’Ounamon comme un véritable manuel de droit international à l’usage du domaine d’Amon[68].

§ 16. D’autre part, comme l’a déjà montré Christopher Eyre[69], l’auteur du rapport est un penseur fin et engagé. L’analyse du texte a souvent tendance à privilégier les anecdotes et les éléments factuels. Cependant, les présupposés philosophiques et juridiques du rapport d’Ounamon sont extrêmement riches. La plus grande partie du récit est un enchaînement ordonné de causes et d’effets, de plaidoiries et de conflits de lois. Les questions qu’engendrent les dichotomies de la théorie, la pratique et les différentes conceptions du droit, sont toutes posées avec acuité, et selon une rhétorique qui n’est pas neutre. En se battant pour la réussite de sa mission, le personnage d’Ounamon, qu’il soit fictif ou réel, est un ardent promoteur du concept du droit des gens. A Dor, Byblos et Alsa, il défend une idée du monde “ internationaliste ” qui n’est pas très éloignée de la notion de civitas maxima des stoïciens. C’est pourquoi l’auteur du rapport d’Ounamon doit aussi être apprécié comme un esprit majeur au titre de l’histoire de la doctrine juridique et des idées politiques.


[1] J’aimerais remercier particulièrement Emmanuelle Chevreau, Christopher Eyre et Nathalie Lienhard pour les références qu’ils m’ont amicalement apportées, et Madame Menu, mon directeur de recherche, pour m’avoir invité à travailler sur ce sujet passionant. Les abréviations courantes sont utilisées dans les notes pour les périodiques égyptologiques (voir Bernard Mathieu, Recommandations aux auteurs et abréviations des périodiques, Le Caire 1993). Pour les corpus de textes, LES correspond à Alan H. Gardiner, Late-egyptian stories, (Bibliotheca Aegyptiaca I), Bruxelles 1932, KRI est employé pour Kenneth A. Kitchen, Ramesside inscriptions, Oxford 1968-1990, et Urk. IV fait référence à K. Sethe, Urkunden der ägyptischen Altertums IV, Urkunden der 18. Dynastie, Leipzig 1930.
[2] in G. Mylonas (éd.), Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth birthday, Saint Louis 1951, p. 223.
[3] Hans Goedicke a écrit la monographie la plus complète du papyrus : “ The report of Wenamon ”, Baltimore et Londres 1975. Il dresse un catalogue de la bibliographie antérieure p. 10-11. Depuis, il faut y ajouter les contributions de G. Bunnens (Rivista di Studi Fenici, 1978, pp. 1-16), Michael Green (ZÄS 106, 1979, 116-20) ), J. Osing (Nubia et Oriens Christianus, Cologne 1988, pp. 37-9), Scott N. Morschauer (SAK 18, 1991, pp. 317-30), Mario Liverani (Prestige and interest. International relations in the Near East ca. 1600-1100 B.C., History of the Ancient Near East Studies I, Padova 1990, pp. 247-254), A. Egberts (JEA 77, 1991, pp. 57-67), Jean Winand (GM 138, 1994, pp. 95-108), Anne Scheepers (in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 17-83 ; et Amosiadès. Mélanges Vandersleyen, Louvain-la-Neuve, 1992, pp. 355-63), et dernièrement Christopher Eyre (Irony in the Story of Wenamun : the politics of religion in the 21st Dynasty, actes du colloque politique et littérature, Leipzig, septembre 1996, à paraître).
[4] Des points de droit ont déjà été évoqués, notamment dans les études de M. Green, S. N. Morschauer, G. Bunnens (toutes citées note précédente), et de Jacques Pirenne (Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques de l’académie royale de Belgique, 5e série, tome 41, 1955, pp. 604-9 ; Histoire de la civilisation de l’Egypte ancienne, tome II, Paris 1962, pp. 502-5 ; Recueil Jean Bodin XXXII, “ Les grandes escales ” 1ère partie, 1974, pp. 43-50).
[5] Karl Jansen-Winkeln n’exclue pourtant pas une datation se réferant à Smendès (cf. ZÄS 119, 1992, pp. 25-6).
[6] Sur l’équivalence Alsa = Alašia = Chypre, voir dernièrement Vassos Karageorghis, Cyprus from the Stone Age to the Romans, Londres 1982, pp. 66-68, et Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 80-83. Voir également la bibliographie donnée par Albright (in G. Mylonas (éd.), Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth birthday, Saint Louis 1951, p. 227, note 20) et par G. Bunnens (Rivista di Studi Fenici 1978, p. 14, note 65). Néanmoins, Alessandra Nibbi (Wenamun and Alashia Reconsidered, Oxford, 1985) met en cause l’identification traditionnelle des  toponymes du rapport. Pour cet auteur, Ounamon n’aurait pas quitté le Nil. Cette interprétation paraît très excessive. Elle a cependant le mérite de souligner les incertitudes de la localisations des termes géographiques égyptiens.
[7] Voir A. H. Gardiner, Ancient Egyptian onomastica I, Londres 1947, 60* (n° 133), Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain, 1991, pp. 31-33, et H. Goedicke, “ The report of Wenamon ”, Baltimore et Londres, 1975, pp. 18-9.
[8] Cf. G. P. F. van den Boorn, The duties of the vizier. Civil administration in the early New Kingdom. Londres 1988, pp. 42-53.
[9] Les messagers constituent une catégorie de fonctionnaire à la fois bien attestée en Egypte (cf. la monographie de M. Vallogia, “ Recherches sur les “ messagers ” (wpwtyw) dans les sources égyptiennes profanes ”, Genève-Paris 1976 ; voir également le compte rendu de cet ouvrage par Bernadette Menu, Revue de Historique de Droit français et étranger 55, 1977, p. 413 sq ; cf. aussi M. Abdul-Kader Mohammad, “ The administration of Syro-Palestine during the New Kingdom ”, ASAE 56, 1959, pp. 119-122) et au Proche-Orient (voir les références citées par G. Bunnens, Rivista di Studi Fenici 1978, p. 3 note 14).
[10] Voir aussi LES, 62, 8-9 (1,15).
[11] Voir entre autres J. Cerný, The Cambrige ancient history, vol. II, 2e partie, Cambridge 1975, p. 626, Jac. J. Janssen in E. Lipinski (ed.), State and temple economy in the ancient Near East, vol. II, OLA 6,  Louvain 1979, pp. 505-515 (notamment 510-11), B. Menu, Droit, économie, société de l’Egypte ancienne, Versailles 1984, p. 143, A. Gasse, Données nouvelles administratives et sacerdotales sur l’organisation du domaine d’Amon, Paris 1988, notamment p. 237, et M. Gutgesell Lexicon der Ägyptologie VI, 1986, col. 1275 sq.
[12] Sur les pouvoirs des grand prêtres d’Amon sous la XXIe dynastie, voir R. de Spens, “ Un Etat en transition : les structures administratives de la 21e Dynastie égyptienne ”, Méditerranées 8, 1996, 105-117.
[13] Contre l'opinion de G. Bunnens qui préfère ne voir en Ounamon qu'un représentant de la Haute-Egypte. Cf. G. Bunnens, Rivista di Studi Fenici 1978, p. 10.
[14] LES 71, 1-5 (2,39-41).
[15] Dernièrement encore proposé par A. Niwinski, BIFAO 1995, p. 345.
[16] C’est d’ailleurs ainsi que G. Lefebvre traduit le terme de snntyw-tA (cf. Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique, Paris 1988, p. 215). Cf. H. Goedicke, “ The report of Wenamon ”, Baltimore et Londres 1975, p. 92. Voir aussi G. Bunnens, Rivista di Studi Fenici 1978, p. 3, et Malte Römer, Gottes- und Priesterherrschaft in Ägypten am Ende des Neuen Reiches. Ein religiongeschichtliches Phänomen und seine sozialen Grundlagen (Ägypten und Altes Testament, Band 21), Wiesbaden 1994, § 61.
[17] Sur ce terme, voir notamment William F. Edgerton et John A. Wilson, Historical records of Ramses III. The texts in Medinet Habu, SAOC n°12, Chicago 1936, p. 54, note 20b.
[18] Edition princeps : Pierre Grandet. Le papyrus Harris I (BM 9999). BdE 109. Le Caire, 1994, (photographie du présent passage : vol. II, pl. 7). Transcription : W. Erichsen. Papyrus Harris I. Hieroglyphische Transcription. Bibliotheca Aegyptiaca V, Bruxelles 1933 (p. 9, l. 2-5).
[19] Pour les occurrences du terme dans les sources, voir Dilwyn Jones, A glossary of Ancient Egyptian nautical titles and terms, Londres et New York 1988, p. 88, § 168. Cf. aussi Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 37-38.
[20] Exemples : un certain Benanat sur l’ostracon Louvre 2262, datant de l’an 42 de Ramsès II (KRI II, p. 907, §370) ; un nommé Kener (ou Kel) cité dans le papyrus Bologne 1086 (KRI IV, p. 80, l. 2) ; un Paalsa sur une stèle d’Abydos aujourd’hui à Liverpool (KRI IV, p. 445, l. 16). Le premier document est très intéressant ; il nous apprend que le capitaine de navire-menesh Benanat a pour gendre le prince Samontou, 23e fils de Ramsès II! Cela montre que la position sociale d’un Hry-mnS peut être considérable. Ceci tranche avec l’image négative des Swtyw  (autres intermédiaires commerçants) dans la Satire des métiers (voir les communications de Shafik Allam et de Susanne Bickel ailleurs dans ce volume).
[21] Sur les nauclères, voir l’ouvrage de Julie Vélissaropoulos, Les nauclères grecs. Recherches sur les institutions maritimes en Grèce et dans l’Orient hellénisé, Genève-Paris 1980. La comparaison avec nos capitaines de navire-menesh est d’autant plus justifiée, que, comme l’écrit cet auteur, au cours de l’Antiquité “ les usages maritimes sont restés à peu près stables ; en cette matière, le passage d’un régime politique à l’autre n’introduit aucun changement notable ” (op. cit. p. 6). Les développements infra illustrent à plusieurs reprises cette continuité remarquée.
[22] Il faut mentionner la remarque de Robert Eisler (“ Barakhel Sohn & Cie., Rheidereigesellschaft in Tanis ”, Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 1924, pp. 61-63), selon laquelle on retrouve le nom de cette “ compagnie ” dans un document du 2e siècle avant notre ère. Voir aussi Gustave Lefebvre (Romans et contes égyptiens de l’époque pharaonique, Paris 1988 (réimpression anastatique), p. 213, n. 34) et Jacques Pirenne (Recueil Jean Bodin XXXII, “ Les grandes escales ”, 1ère partie, 1974, pp. 46-49). A la suite de W. F. Albright et Anne Scheepers, cela me paraît trop beau pour être plus qu’une coincidence.
[23] Cf. Albright, in G. Mylonas (éd.), Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth birthday, Saint Louis 1951, pp. 229-30, James E. Hoch, Semitic words in Egyptian texts of the New Kingdom and the Third Intermediate Period, Princeton 1994, p. 240, n° 333, et Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, p. 47.
[24] Sur la transcription “ Sakal ”, et sur ce peuple en général, voir Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 70-74.
[25] Ce n’est pas l’avis de W. F. Albright (Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth birthday, Saint Louis 1951, p. 228) qui croit identifier un interprète.
[26] J. Cerný, The Cambridge Ancient History, vol. II, 2e partie, Cambridge 1975, p. 31 et note 3. Trois-quatre ans avant l’expédition d’Ounamon, les papyrus des Pillages de la Nécropole thébaine attestent un échanson Yenesh en Egypte, dont le nom n’est pas d’origine indigène (e. a. P. Mayer A r° 1,5 = KRI VI, p. 804, 4).
[27] LES 75, 5-6 (2,77-8).
[28] Pour les correspondances cunéiformes de ce terme, et les devoirs des princes sous l’Empire, voir M. Abdul-Kader Mohammad, “ The administration of Syro-Palestine during the New Kingdom ”, ASAE 56, 1959, pp. 106-114. Voir également David Lorton, The juridical terminology of international relations in Egyptian texts through Dynasty XVIII, Baltimore et Londres, 1974, pp. 60-63.
[29] Jacques Pirenne (Recueil Jean Bodin XXXII, “ Les grandes escales ”, 1ère partie, 1974, pp. 48-49).
[30] V, 101.
[31] Cf. J. Modrzejewski, “The prostagma in the papyri ”, Journal of Juristic Papyrology 5, 1951, p. 196. Exemple cité par Julie Vélissaropoulos, Les nauclères grecs. Recherches sur les institutions maritimes en Grèce et dans l’Orient hellénisé, Genève-Paris 1980, p. 74 et n. 140. Voir également les remarques de ce dernier auteur (op. cit., p. 74 sq.)
[32] Cet extrait est à mettre en parallèle avec le passage cité supra § 5. Dans les deux cas, la construction iw X (Hr) wD.i est employée. Le verbe wD est communément employé dans la langue administrative avec parfois le double sens “ d’envoyer ” et “ d’ordonner ” (même avec le déterminatif des jambes, cf. notamment les procès-verbaux de la Nécropole thébaine). On peut souvent le traduire par envoyer en mission.
[33] LES 71, 12 (2,46) et 72, 7 (2,52). Sur ce titre, voir Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 52-54.
[34] LES 70, 9 (2,34).
[35] LES 73, 13 (2,64), et 74, 4 (2,68).
[36] LES 74, 5-6 (2,69).
[37] LES 70, 14 et 15 (2,37 et 2,39).
[38] LES 65, 3 (1,39). La traduction “ extatique ” de ce terme obscur est proposée par G. Posener (RdE 21, 1969, p.147).
[39] Sur ce terme, voir James E. Hoch, Semitic words in Egyptian texts of the New Kingdom and the Third Intermediate Period, Princeton 1994, p. 126, n° 161.
[40] Sur ces questions, voir Anne Scheepers, in E. Linpinski (éd.), Phoenicia and the Bible, OLA 44, Louvain 1991, pp. 82-83.
[41] LES 75, 1 (2,75).
[42] Il est évident que de telles pratiques constituent une grave entrave au commerce international. Elles sont particulièrement résurgentes en période de crise ; on les remarque notamment lorsque les Assyriens imposent leur domination en Syro-Palestine au premier millénaire avant notre ère. Les cités commerçantes comme Ougarit et Tyr s’efforcent de négocier pour se faire renoncer à l’exercice de ce “ droit ”. Voir Julie Vélissaropoulos, Les nauclères grecs. Recherches sur les institutions maritimes en Grèce et dans l’Orient hellénisé, Genève-Paris 1980, p. 162. Pour une bibliographie sur le droit de naufrage, se reporter aussi à l’article récent de Nicole Charbonnel, “ Aux sources du droit maritime à Rome : le Rudens de Plaute et le droit d’épave ”, Revue Historique de Droit français et étranger 73, 1995, pp. 303-322.
[43] L’expression “ droit des gens ” (“ jus gentium ”) n’apparaît qu’à partir du juriste romain Gaius (vers 143 de notre ère), qui le définie comme le droit “ ... quod naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes populos peraeque custoditur, vocaturque ius gentium, quasi quo iure omnes gentes utuntur ” (Digeste, livre I, tit. 1,9 ; Institutes, livre I, tit. ii, 1). Mais il est évident, dans notre papyrus ainsi que dans d’autres sources antiques, que ce concept est très ancien. C’est un droit international “ fondé essentiellement sur la bonne foi, répugnant au formalisme, reposant sur la raison naturelle ” (Jacques Bouineau, Histoire des institutions, Ier -XVe  siècle, Paris 1994, § 66). Sur l’évolution de la notion de “ droit des gens ” et ses différentes acceptions, voir par exemple Antonio Truyol y Serra, Histoire du droit international public, Paris 1995.
[44] Ainsi dans le premier traité romano-cathaginois (cf. Julie Vélissaropoulos, Les nauclères grecs. Recherches sur les institutions maritimes en Grèce et dans l’Orient hellénisé, Genève-Paris 1980, p. 136 sq.). Le cas de force majeure est formellement reconnu comme exception à l’interdiction d’accès au port de Carthage faite aux Romains et à leurs alliés.
[45] G. Bunnens (Rivista di Studi Fenici 1978, p. 4).considère cependant que ces documents ne constituent pas des lettres de créance au sens moderne du mot, car ils ne donneraient pas droit à un statut particulier (voir la discussion de cette question en note 47 infra). Quoiqu’il en soit, le port de ce genre de lettre par des messagers est une pratique bien attestée au Proche-Orient (voir les exemples donnés par G. Bunnens, même référence).
[46] Jacques Pirenne (“ Les escales phéniciennes dans la navigation égyptienne ”, Recueil Jean Bodin XXXII, “ Les grandes escales ”, 1ère partie, 1974, pp. 43-50 et notamment p. 44) estime que l’or et l’argent emportés par Ounamon doivent servir à régler l’achat du bois. Il semble pourtant que leur valeur serait trop faible pour cet usage (voir infra).
[47] G. Bunnens va semble t-il trop loin en considérant que le statut de ces messagers était “ tout à l’opposé de l’immunité diplomatique ” (Rivista di Studi Fenici 1978, p. 11). Certes, l’immunité diplomatique dans toutes ses acceptions actuelles, à laquelle G. Bunnens fait implicitement référence, est récente. La doctrine (avec par exemple Alberico Gentili et Grotius) renforce l’entendue de l’immunité coutumière à partir du XVIe siècle. Ensuite, l’immunité est codifiée et élargie pour prendre sa forme moderne aux actes du Congrès de Vienne (Règlement relatif au rang des agents diplomatiques du 19 mars 1815), au Protocole d’Aix-la-Chapelle du 21 novembre 1818, et à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961. Il serait cependant abusif de croire que le concept d’immunité diplomatique n’existait pas avant ces textes. Il est au contraire extrêmement ancien, comme le montre, entres autres, le rapport d’Ounamon. Naturellement, cela ne veut pas dire qu’il soit toujours absolu ou respecté. On constate qu’il est souvent suspendu en cas de guerre. Cf. par exemple M. Abdul-Kader Mohammad, “ The administration of Syro-Palestine during the New Kingdom ”, ASAE 56, 1959, pp. 119-122. Encore aujourd’hui, l’immunité diplomatique n’est pas toujours considérée en fait (voir par exemple l’affaire de l’ambassade américaine de Téhéran, relatée dans Gilbert Guillaume, Les grandes crises internationales et le droit, Paris 1994, pp. 197-218), et comporte des exceptions en droit (voir les manuels de droit international public, notamment Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Allan Pellet, Droit international public, Paris 1994, pp. 716-722).
[48] Sur les termes employés ici et tout le passage en général, voir l’étude de Michael Green (ZÄS 106, 1979, notamment p. 119).
[49] Cf. A. Finet, Le code de Hammurapi, Paris 1973, p. 51, § 23.
[50] J. Nougayrol, Ugaritica V, n°42, et Palais royal d’Ougarit IV, Paris 1956, pp. 153-60. Références données par M. Green (ZÄS 106, 1979, 116-20) et G. Bunnens (Rivista di Studi Fenici 1978, 6-9).
[51] Cf. Julie Vélissaropoulos, Les nauclères grecs. Recherches sur les institutions maritimes en Grèce et dans l’Orient hellénisé, Genève-Paris 1980, pp. 143-145.
[52] Un vase d’or de 5 deben ; 4 gobelets d’argent de 20 deben ; un petit sac d’argent de 11 deben. Total 5 deben d’or et 31 deben d’argent.
[53] G. Bunnens, Rivista di Studi Fenici 1978, pp. 6-9.
[54] La différence entre la donation et la vente est dans l’intention du débiteur : a t-il en fait une intention purement libérale, ou l’intention de se libérer d’une dette préexistante (cf. les manuels de droit des obligation, par exemple Jean Carbonnier, Droit civil. 4 - Les obligations, Paris 1988, p. 18) ?
[55] Mario Liverani, Prestige and interest. International relations in the Near East ca. 1600-1100 B.C., History of the Ancient Near East Studies I, Padova 1990, notamment pp. 247-254.
[56] Tombe thébaine n° 99. Texte cité dans Urk. IV, 535 : 2-16.
[57] In fine, la transaction ne paraît pas du tout inéquitable économiquement. Cf. Albright, in G. Mylonas (éd.), Studies presented to David Moore Robinson on his seventieth birthday, Saint Louis 1951, pp. 226-7.
[58] Cette pratique est bien attestée pour les périodes antérieures. Voir Mario Liverani, Prestige and interest. International relations in the Near East ca. 1600-1100 B.C., History of the Ancient Near East Studies I, Padova 1990, p. 250 sq.
[59] Voir notamment JEA 74, 1988, p. 167.
[60] Le contrat grec est dit “ réel ” par les juristes. Il apparaît donc plus rudimentaire que le contrat égyptien. Sur la discussion à propos du caractère “ réel ” du contrat grec, voir cependant dernièrement Julie Vélissaropoulos-Karakostas, “ Pacta conventa servabo et Aristote ”, Revue Historique de Droit français et étranger, 74 (2), 1996, pp. 185-197.
[61] Cf. l’article de Bernadette Menu, “ Les actes de vente en Egypte ancienne, particulièrement sous les rois kouchites et saïtes ”, JEA 74, 1988, pp. 165-181.
[62] W. Helck était l’un des chefs de file de cette interprétation (cf. son article dans le Lexicon der Ägyptologie, tome VI, col. 1216 sq.). A. Niwinski (BIFAO 1995), K. Jansen-Winkeln (ZÄS 1992 et 1995) et P. Vernus (Tanis. L’or des pharaons, catalogue de l’exposition au Grand Palais, Paris 1987, p. 105) y souscrivent, quoiqu’en tirant des conclusions parfois opposées.
[63] Le premier à tenter de le démontrer fut J. Cerný (Paper and books in ancient Egypt, an inaugural lecture delivered at University College, 29 may 1947, Londres 1952, p. 22). Voir les arguments repris, amplifiés et modifiés par H. Goedicke, “ The report of Wenamon ”, Baltimore et Londres 1975, pp. 4-9. Cf. aussi A. Théodoridès, Recueil Jean Bodin XXXII, “ Les grandes escales ”, 1ère partie, 1974, p. 50).
[64] C’était déjà l’opinion d’Adolf Erman, Die Literatur der alten Ägypter, Leipzig 1923, p. 225. Ce courant est aujourd’hui repris notamment par Anne Scheepers (op. cit. note 3).
[65] Outre des constatations personnelles lors d’un stage à la Direction Générale I (Relations Extérieures) de la Commission Européenne, on peut trouver d’autres exemples contemporains cités par le diplomate français Jacques Baeyens, dans Au bout du Quai, Paris 1975.
[66] Cf. A. H. Gardiner, Ancient egyptian onomastica, I, Londres 1947, p. 27. Dans le lot acquis par W. Golenischef se trouvait aussi le papyrus Poushkine 127. C’est une “ lettre littéraire ” qui raconte les malheurs d’un fonctionnaire thébain lors d’une guerre civile. Elle évoque vraisemblablement la “ guerre de la suppression du grand prêtre Amenhotep ”, qui eut lieu entre l’an 17 et l’an 19 de Ramsès XI, soit cinq-six ans avant l’expédition d’Ounamon.
[67] Les “ Institutes ”, écrits vers 143 de notre ère.
[68] Contrairement à d’illustres commentateurs du papyrus, je ne crois pas que le rapport d’Ounamon soit fondamentalement un texte de propagande religieuse. Christopher Eyre (op. cit. note suivante) est d’ailleurs d’avis que l’auteur du rapport est très ironique à l’égard des dogmes théocratiques. La manifestation de la puissance divine n’apparaît qu’une fois dans le récit : alors que le prince de Byblos refuse de recevoir Ounamon car celui-ci n’a pas ses lettres de créances, un “ extatique ” de son entourage tombe en extase et certifie au prince qu’Ounamon est bien un ambassadeur d’Amon. Cet événement constitue un prétexte pour le prince de Byblos qui peut ainsi braver le protocole et recevoir un Ounamon démuni sans perdre la face. Cela peut être aussi un moyen commode pour le narrateur, qui ayant exposé l’importance de la diplomatique et le principe “ pas d’accréditation, pas d’audience ”, tient néanmoins à continuer le récit.
[69] Irony in the Story of Wenamun : the politics of religion in the 21st Dynasty, actes du colloque politique et littérature, Leipzig, septembre 1996, à paraître.
25/08/02
© Renaud de Spens, 2000